samedi 5 mars 2016

"Quatre maisons et un four"... (envoi de Suzy Finocchy-Rutali)

La précarité, l'insécurité, les intempéries, gel ou canicule, nuisent gravement à la santé des sans-logis. Beaucoup trop, désespérés, y laissent leurs pauvres vies. La Corse eut ses errants, sans phénomène de masse toutefois.
Le 19 avril 1723 un notable religieux, le Chanoine Petru Rutali, institue à leur profit une sorte de legs moral : "... il forno debbia anche servire per l'alloggio dei poveri viandanti, ne questo si possa negare, ma sia detto alloggio in perpetuo."
Ce testament a été traduit in extenso par M. Toussaint Simongiovanni, professeur agrégé d'italien au lycée de Bastia (1935-circa) : "La pièce qui sert actuellement de four à pain doit servir de refuge aux passants indigents, sans qu'on puisse le leur refuser et cela in perpetuum."
Comme beaucoup d'autres, Rutalais la belle saison, Ortalais l'hiver et le début du printemps, j'ai souvent mangé le pain virgilien et les gâteaux de Pâques, cuits dans ce four, toujours visible, dans un état pitoyable.
On disait autrefois d'Ortale, en omettant la chapelle Sainte Catherine d'Alexandrie, "Quatre maisons et un four". Fort heureusement on ne compte plus les habitations neuves ou rénovées comme l'ancien Palazzu.
Clos depuis des décennies, inutile, oublié, quasiment en ruine, le four du Chanoine Petru n'existera bientôt plus que dans nos souvenirs. _ (Suzy Finocchy-Rutali)

2 commentaires:

  1. Dans « le livre des dictons corses » de Paul ARRIGHI (éditions Privat 1976), y figure celui d’Ortale :
    « Ortale, trè case è un fornu, hà vulsutu la so chjesa attornu » (= Ortale, trois maisons et un four, a voulu son église autour). C’est toute la petitesse d’un hameau avec un four et une église qui y est décrit. Cela peut être vu sous l’angle de la dérision ou de la prétention mais vu par rapport à l’histoire et au testament du chanoine, cela prend une autre tournure. Les anciens nobles Rutali y avaient des attaches, occupant surtout l’Ortale durant la transhumance de « l’impiaghjera ». Mais on peut remonter au Moyen-âge avec les Bagnaninchi ou Cortinchi qui devaient l’habiter. Les noms U Castellu, Bagnaia (=Bagnaghja), U Palazzu, Ficaretu, Purettu, u Icariu (qui pourrait être U Vicariu) près de U Tumbalellu, des ruines aux Mammelle, en portent les traces. La pieve d’Ortu qui s’étendait jusqu’à Bastia a dû à l’origine avoir son chef lieu à l’Ortale, plus près de la Marana. Rutali allant avec le Nebbiu, Ortale a été sous juridiction de Biguglia. Biguglia de l’autre côté du Bivincu s’est renforcé au détriment d’Ortale et devint capitale mais les Génois l’ont affaibli en créant La Bastia.
    Revenons au four vieux de trois siècles qui mérite restauration. Il est bien situé, aux abords de la place (A Piazza) de l’Ortale. Outre son intérêt historique, il pourra être utile en étant rouvert au pain ou pâtisseries et inviter à la convivialité. Avec un abri (alloghju) pour les passants.
    Soit par œuvre des héritiers, soit par la commune (de Biguglia) qui en deviendrait propriétaire, U Fornu di l’Ortale tout comme la Chapelle Santa Catalina et les anciennes Maisons de l’agglomération perpétueront la mémoire du passé.

    Louis

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    1. Lire au lieu de Bagnaia : lieu dit Bagnascu ou Bagnaschiu qui fait penser à Bagnaia ou Bangnaria.
      D’autre part, dans un sonnet en italien de Matteo (Matteu) Rutali en 1849, l’Ortale est composé de « quattro borghi » qu’il faut comprendre dans le sens de bâtisses ou même de maisons fortes.

      Louis

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