jeudi 11 août 2022

L'instant "poésie"...

Nymphée

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Claude MONET
"Les Nymphéas"

Affreuse nudité de l’homme dans l’orage
La catastrophe arrive alors qu’il somnolait
Ou que sans se presser il rentrait le fourrage
Et sur le feu la femme oublie alors le lait

Lorsqu’un peuple s’enfuit devant l’envahisseur
Il laisse sur ses pas les ruines de sa vie
Une salle de bal à l’aube sans danseurs
La table du repas qu’on n’a pas desservie

Rien ne peut altérer la chanson que je chante
Même si quelqu’un d’autre avait à la chanter
Une plainte étranglée en renaît plus touchante
Quand l’écho la reprend avec fidélité

Le crime de rêver je consens qu’on l’instaure
Si je rêve c’est bien de ce qu’on m’interdit
Je plaiderai coupable Il me plaît d’avoir tort
Aux yeux de la raison le rêve est un bandit

Je parle avec les mots des jours patibulaires
Où le maître bâtit le temple qu’il lui plaît
Et baptise raison dans son vocabulaire
Le loisir d’à nos poings passer cabriolet

Il faudrait rendre sens aux mots blasphématoires
Refaire un cœur saignant à ceux qui n’en ont plus
Ceux qui ne pleurent pas pour une belle histoire
Méritent-ils le ciel qui leur est dévolu

Louis Aragon

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À son laquais 

J’ai l’esprit tout ennuyé
D’avoir trop étudié
Les Phénomènes d’Arate ;
Il est temps que je m’ébatte
Et que j’aille aux champs jouer.
Bons dieux ! qui voudrait louer
Ceux qui, collés sus un livre,
N’ont jamais souci de vivre ?
 
Que nous sert l’étudier,
Sinon de nous ennuyer
Et soin dessus soin accraître
À nous qui serons peut-être,
Ou ce matin, ou ce soir,
Victime de l’orque noir,
De l’orque qui ne pardonne,
Tant il est fier, à personne ?
 
Corydon, marche devant ;
Sache où le bon vin se vend ;
Fais après à ma bouteille
Des feuilles de quelque treille
Un tapon, pour la boucher :
Ne m’achète point de chair,
Car, tant soit-elle friande,
L’été je hais la viande ;
 
Achète des abricots,
Des pompons, des artichauts,
Des fraises et de la crème
C’est en été ce que j’aime,
Quand, sur le bord d’un ruisseau,
Je les mange au bruit de l’eau,
Étendu sur le rivage
Ou dans un antre sauvage.
 
Ores que je suis dispos,
Je veux rire sans repos,
De peur que la maladie
Un de ces jours ne me die,
Me happant à l’impourvu :
« Meurs, galant, c’est assez bu ! »

Pierre de RONSARD

Attribué à Henri-Horace Roland Delaporte (1724-1793) 
"Cerises-pompons, abricots et fleurs sur un entablement"

2 commentaires:

  1. Merveilleux Prince des poètes et ...diététicien.Près de cinq siècles avant, ce régime estival n'a pas pris une ride .

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  2. Les pompons sont les cerises ? délicieux ,j'adore!

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