mardi 16 juillet 2013

LE LIVRE DU MARDI

                               ERRI de LUCA
   " LES POISSONS NE FERMENT PAS LES YEUX"
                         Editions Gallimard
 On n'est jamais déçu par un livre d' Erri de Luca, et celui là moins qu'un autre. 

        De Luca se souvient "d'un bout d' été d'il y a cinquante ans".  A Ischia, un petit village au bord de la mer.Il a alors dix ans et passe ses vacances avec sa mère et sa soeur.  Il pêche, se baigne, et lit beaucoup. 
         Son père est parti travailler en Amérique, la mère est restée, avec eux.
       Plus tout à fait un enfant mais pas encore un adolescent, le jeune garçon se sent à l' étroit dans ce corps qui se prépare à muter, cette "enveloppe" qui contient toutes les formes futures. Il rencontre sur la plage une jeune fille de son âge, douce et effrontée, qui le préfère aux autres garçons. Avec elle il va se rapprocher du monde adulte en déclinant le verbe aimer. Jaloux, les autres gamins vont le provoquer et lui infliger une mémorable raclée, qu'il subira, sans se défendre, comme si, "ce corps, pris dans un cocon que seule sa tête tentait de forcer", avait besoin de cette violence, sorte de rituel barbare, passage obligé vers une douloureuse, mais bienheureuse métamorphose .Il contemplera désormais le monde avec courage, sans fermer les yeux. Mais la jeune fille , mue par un sens aigu de la justice, ourdira un plan machiavélique pour punir les jeunes voyous....

En nous livrant ce récit initiatique, "ce bout d' été d'il y a cinquante ans", l'auteur ravive les blessures qui l'ont fondé: L' absence du père, le choix de la mère de ne pas le rejoindre. Ce passage de l'enfance à l' adolescence, fondateur de toute une vie, expérience universelle, Erri de Luca nous le fait ressentir avec son style magistral:  L'apprentissage du manque, la découverte de ce qui est juste ou injuste, la certitude que les premières fois ont un gout d' éternité, que la violence et la tendresse témoignent de la difficile marche vers l' âge adulte. Ce texte clairement autobiographique est écrit dans une langue dense et pure, légère et puissante à la fois.
 M.A.V.

3 commentaires:

  1. A lire également d'Erri De Luca, Montedidio et
    Tu, mio , de très beaux récits initiatiques.

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  2. Tous les ouvrages d'Erri de Luca sont en bonne place dans ma bibliothèque sauf...celui-là que je vais acheter dès demain! Pour moi, un auteur majeur de ce siècle et un être humain aussi modeste que rare...
    Limpia

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  3. Un être peu ordinaire avec un parcours peu ordinaire. Ecrivain,il a aussi été ouvrier dans divers domaines, très engagé dans les extrêmes (Lotta Continua,années 50), passionné par la Bible et le Yiddish,si loin de notre société actuelle, de son conformisme, il rappelerait peut-être un peu PPP. J'ai eu la grande chance de le rencontrer, ce fut un émerveillement et une sorte de "dépaysement".

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