mardi 22 octobre 2013

Mon livre du Mardi

Pierre Assouline
Lutetia
Éditions Gallimard
Depuis quelques jours le personnel du Lutétia, le célèbre hôtel de la rive gauche, est en grève. L'hôtel va fermer trois ans, il a été vendu à un groupe israélien qui va le moderniser pour en faire un nouveau palace moderne et bling-bling à souhait. Bientôt toute l’hôtellerie parisienne de luxe sera moyen-orientale... Bref çà c'est aujourd'hui, mais le Lutétia a une longue histoire. Pierre Assouline a choisi de nous en raconter quelques moments forts : l'avant-guerre, l'occupation et la libération. C'est dans cette dernière période que l'hôtel servit de centre de regroupement et de tri des déportés retour des camps d'extermination.

Son héros est bien placé pour voir écouter et noter ses observations : il est le détective de l'hôtel, ancien flic des renseignements généraux. Les clients célèbres de l’hôtel : peintres, acteurs, écrivains, hommes politiques... de riches étrangers, dont un allemand aimable et élégant ; leur gouts, leurs petites manies, leurs petits secrets aussi... Tout un monde qui ne connait pas la crise, avec l'insouciance des uns mais aussi l'inquiétude grandissante des clients d'origine israélite qui sentent monter les dangers en provenance le l'Allemagne nazie voisine.
Et puis la guerre. Un certain jeune général, nommé sous-secrétaire d'état à la guerre, qui y prend ses quartiers et qui oubliera lors d'un départ précipité, une cantine avec des effets personnels, sa tenue de cérémonie et son sabre..
Au moment de la débâcle, le premier soin sera de transférer dans un souterrain secret, la magnifique cave du restaurant : les Chateaux-Laffitte, les Petrus, Les Cheval-Blanc, les Romanée-Conti, les Chambertin, les Roederer...
Sage précaution car l'hôtel comme bien d'autres dans la capitale, sera réquisitionné par les allemands pour en faire le siège de l'Abwer, le service de renseignement de la Wermacht. Les chambres et les suites devenant autant de bureaux et la clientèle uniformément vert-de-gris. Y compris, dans son uniforme de colonel, l'allemand élégant et sa secrétaire qui fut une maitresse de passage de l'auteur lorsqu'il ne connaissait pas encore sa véritable identité. Les traitres, les miliciens, les escrocs du marché noir, remplaçant alors la clientèle huppée d'avant-guerre.
Mais l'épisode le plus marquant reste le retour de ces êtres décharnés, en pyjama rayés, hagards, qui couchent par terre au pied de ces lits douillets dont ils ont perdu l'habitude. Les familles qui viennent, avec des photos de leurs proches, raflés un jour par la Gestapo, qui ont du mal à reconnaître les survivants ou qui repartent silencieux lorsqu'un camarade de camp leur confirme que celui qu'ils attendaient ne reviendra pas...


J'aime bien, pour ma part, les romans qui ont un fondement historique, qui mêlent des personnages réels aux sujets inventés... C'est surtout la juste évocation d'une époque, d'une société, qui donne toute sa vraisemblance à ce qui reste finalement une œuvre de fiction. Pierre Assouline a bien redonné vie au Lutétia qui disparaît. M.V

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