dimanche 23 février 2014

A propos de l'anonymat


Le Point.fr - Publié le
Une proposition de loi déposée début mai vise à obliger les blogueurs non professionnels à s'identifier sur leur blog
Une proposition de loi déposée début mai vise à obliger les blogueurs non professionnels à s'identifier sur leur blog © © SIPA
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  • Par Anne Jeanblanc
"Les blogueurs qui choisissent l'anonymat le font pour des raisons liées à leur vie professionnelle ou personnelle. Sans cette protection, beaucoup arrêteraient de bloguer et c'en serait fini du dynamisme de la blogosphère", s'offusque l'éditorial de la plate-forme d'hébergement de blogs Overblog en réaction à la proposition de loi déposée par le sénateur Masson le 3 mai 2010. Le texte vise à obliger les blogueurs non professionnels à s'identifier sur leur blog. L'objectif ? Faciliter les poursuites de ceux qui s'écarteraient des rails de leur liberté d'expression par des propos mensongers, insultants ou diffamatoires. Le blogueur amateur serait donc amené à indiquer ses nom, prénom, domicile et numéro de téléphone, mais aussi le nom du directeur de la publication, celui du responsable de la rédaction et le nom, la dénomination, l'adresse et le numéro de téléphone de l'hébergeur du blog.
L'anonymat : un no man's land relatif
Véritable permission légale, l'anonymat a pour corollaire le secret professionnel pesant sur l'hébergeur. Avec ses limites : il peut être levé en cas de poursuites judiciaires. La loi de 2004 a donc comblé la lacune de l'impunité des blogueurs anonymes en prévoyant que les officiers de police judiciaire peuvent obliger l'hébergeur à révéler l'identité d'un blogueur anonyme dans le cadre d'une enquête préliminaire diligentée par le parquet ou sur réquisition du juge d'instruction. Donc, vis-à-vis de l'hébergeur, le blogueur n'agit pas incognito.
Levée de l'anonymat : une efficacité pratique improbable
D'après le sénateur Jean-Louis Masson, à l'époque de la loi du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique, les blogs ne représentaient qu'un phénomène marginal sur le réseau internet. Depuis lors, ils se sont multipliés de façon exponentielle. Y a-t-il pour autant plus de poursuites et de procès ? La jurisprudence française est maigre.
En tout état de cause, les poursuites contre les blogueurs anonymes portent leurs fruits comme le montre une décision d'octobre 2008 confirmée par la cour d'appel en mars 2009. Dans cette affaire, un blog politique à caractère satirique intitulé "Les amis de Serge G" (député-maire d'Orléans à l'époque candidat annoncé à sa propre succession) se livrait à une présentation critique de l'action passée, du programme et de la personne de Serge G. qu'il était censé soutenir. Ce dernier, mécontent du procédé, a saisi la justice pour identifier l'auteur en vue d'engager sa responsabilité. "Ces recherches ont permis de remonter au poste informatique professionnel d'Antoine B., attaché territorial employé au Centre de gestion de la fonction publique territoriale, qui n'a pas contesté être le créateur du blog sous le pseudonyme de F. et qui se trouve être, au cours de ces élections municipales, inscrit sur une liste rivale de celle de Serge G", note l'arrêt. Cela a permis à Serge G. de saisir en référé le tribunal de grande instance d'Orléans et d'obtenir la condamnation du blogueur à un euro de dommages et intérêts sur le fondement de l'article 1382 du code civil et à fermer le blog sous astreinte.
Que risque le blogueur qui ne s'identifie pas ?
En théorie 75.000 euros d'amende et un an de prison (article 6.VI de la LCEN). "Les rares décisions sur le non-respect des mentions légales n'appliquent pas cette lourde sanction légale et se contentent de prononcer des injonctions", constate Cédric Manara, professeur à l'Edhec Business School. "Un rapport de la DGCCRF montre d'ailleurs que la plupart des sites professionnels n'indiquent pas les mentions de base." Alors, pourquoi renoncer à l'anonymat ? "Pour le mode d'expression le plus naturel qui est le livre, on a réussi à protéger l'anonymat tout en sauvegardant le principe de responsabilité", souligne Cédric Manara. Pourquoi ne pas raisonner par analogie pour les blogs ?

3 commentaires:


  1. Harlem Désir n’aime pas l’anonymat sur Internet.
    Il n’aime pas non plus la haine, la haine raciale, l’incitation à la violence.
    Moi non plus, même si je ne suis pas premier secrétaire du Parti socialiste, je n’aime pas la violence, ni la haine, ni la haine raciale. Ni les vilains, ni les trolls, ni les salauds. Ni la guerre, au demeurant.
    Mais le débat sur l’anonymat sur Internet est aux politiques ce que les francs-maçons, l’immobilier ou le mal de dos sont aux hebdos… C’est un peu comme les dangers des jeux vidéos.
    Alors, comme je déteste me répéter et que j’ai déjà écrit ce que j’en pensais, je vais reprendre quelques lignes, où je tentais d’expliquer anonymat et pseudonymat (c’est encore autre chose) à madame Morano, en février dernier, sur le Huffington Post.
    “Comment puis-je tenter de vous convaincre, madame, qu’au contraire, cet anonymat, que vous craignez tant, favorise l’expression démocratique ? Il en va de même pour ceux qui utilisent des pseudonymes (le pseudonymat).
    Nous avons, vous, des centaines de milliers d’autres, moi, la possibilité, la chance ou simplement le goût de nous exprimer librement, sous notre identité, sans avoir besoin de préserver notre anonymat.
    Pourtant, dans une démocratie comme la France, il y a des gens, parfaitement respectables, des blogueurs, des internautes, des “témoins”, des “gens” honnêtes qui souhaitent s’exprimer de manière anonyme.
    Que ce soit pour des raisons professionnelles ou personnelles.
    Voulez-vous tous les faire taire ?
    Les obliger à révéler, coûte que coûte, leur identité ?
    Les contraindre à la transparence absolue ? À s’inscrire ? À donner mails, adresse, téléphone, livret de famille ?
    Mais au nom de quelle conception de la démocratie et de la liberté d’expression ?

    Nous sommes déjà photographiés, filmés, scannés, fouillés, pistés… au quotidien par nos smartphones, nos cartes bancaires, nos mails, nos messageries, les caméras de surveillance, les péages, etc…
    Comme l’a rappelé très justement Jean-Marc Manach dans son livre La vie privée, un problème de vieux cons, le vrai danger est l’inverse de celui que vous pointez !
    Aujourd’hui, en effet, le vrai enjeu (au delà du Web) n’est plus de savoir si tout le monde aura droit à son quart d’heure de célébrité, mais bien de savoir si nous pourrons encore avoir droit, les uns et les autres, à un simple quart d’heure d’anonymat ! Et il s’agit là d’un débat essentiel, d’un débat de “civilisation” même, comme disait Nicolas Sarkozy ! Car la question posée est justement celle de nos libertés.
    Sans vie privée et sans anonymat possible (web inclus), il n’y a plus de liberté(s).
    Vous critiquez systématiquement une société de l’anonymat, une forme d’anarchie, de violence numérique qui n’existe pas.
    Il s’agit juste d’un fantasme, largement basé sur des comportements minoritaires, marginaux, que vous et d’autres surévaluez.
    Nous sommes au contraire confinés dans une société du contrôle, de la norme et de l’hyper-surveillance.
    Ne tentez pas de brider/briser les territoires libres qui subsistent !
    Je ne vais pas, in fine, vous faire l’insulte de rappeler que, dans bien des pays non démocratiques, sans cet anonymat, certains activistes ou des citoyens simplement courageux, croupiraient en prison. Nombre de ceux qui ont bravé les interdictions et la censure le paient tous les jours au prix fort. Vous allez me répondre que nous ne sommes pas en dictature et que, chez nous, nul n’est obligé de se cacher pour s’exprimer librement. Je pense que vous avez tort. Chacun, partout, doit être libre, madame, de choisir s’il s’exprime anonymement ou en son nom propre”.
    Je persiste et je re-signe, malgré les flots de merde que je vois le web charrier tous les jours…

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  2. C'est de Guy Birenbaum

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  3. Pourquoi passer dans l'isoloir pour voter? On devrait voter à main levée ou montrer son bulletin de vote aux électeurs présents? Supprimer l'anonymat est un déni de démocratie. Avez vous tous si peur d'affronter des opinions qui vous déplaisent en ne sachant pas d'où elles viennent. Une solution, arrêter votre blog ou bloquer tous les commentaires anonymes. C'est votre droit, reste à voir combien votre blog aura de blogueurs ?

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