mardi 4 février 2014

LE LIVRE DU MARDI

   J'ai lu cette semaine un livre magnifique, bouleversant, le récit autobiographique d'un tout jeune homme d' à peine vingt et un ans, et dont on parle beaucoup en ce moment,

                         " EN FINIR AVEC EDDY BELLEGUEULE"
                                      EDOUARD LOUIS
                                        Editions du Seuil

   C'est l'histoire d'un enfant, différent, dans un village du nord de la France, un village perdu, loin de tout, déshérité, où sévit la misère, dont les habitants sont chômeurs, ou ouvriers pour les plus chanceux . Cette enfance n'est pas celle d'un gosse du dix neuvième siècle, non, nous sommes dans les années quatre vingt dix, dans un milieu d'une extrême pauvreté et d'une extrême violence.
   La violence de ce monde là, l'auteur a essayé, et réussi, à la restituer. La violence des hommes envers les femmes, celle des ouvriers envers les Rmistes, celle des Rmistes envers les étrangers, noirs ou arabes( qu'ils rencontrent d'ailleurs très peu).
   Ce récit est celui de la rencontre, violente, cruelle, entre ce monde dont Eddy est issu et le petit garçon qu'il est, efféminé et homo. Pour les siens il est source de honte et même de dégoût. Cette violence s'abat sur lui, comme sur les autres, dans ce milieu où il faut être" un dur", aimer la bière, le foot et les filles. Elle passe par le langage:" sale crouille" ou "sale pédé".
Eddy a essayé, oh, comme il a essayé, de toutes ses forces, de faire partie de cette communauté de "durs" . Mais il n'a pas réussi. A l' école, partout, il est celui qu'on rejette, qu'on moque, sur lequel on crache. Avant de " s'insurger contre le monde de son enfance, c'est le monde de son enfance qui s'est insurgé contre lui". Il lui a été très douloureux de s'extraire de sa famille, de sa classe sociale, mais, pour se construire, pour ne pas se trahir, il a du fuir, rompre avec ce nom, cette histoire ( de coups, d'injures, d'humiliations), en finir avec ce qu'il a été, ce qu'on a fait de lui, pour se réinventer.


   Ce livre n'est pas un réquisitoire contre sa famille, c'est une tentative pour comprendre, pas pour juger. Il explique, comment, d'une culture à une autre, les frontières bougent, comment les différences dans un milieu donné n'en sont plus dans un autre milieu, comment la haine de la différence, de" l' étranger" vient de la peur, qui vient de l'incompréhension. A travers sa propre histoire il évoque  la complexité des individus traversés par différents possibles, par différents déterminismes.

Ce livre est écrit dans une langue magnifique, simple et directe, il m'a beaucoup touchée, impressionnée par ses qualités littéraires, je l'ai lu en deux jours. C'est peu dire que je vous le conseille. M.A.V.
PS: Eddy Bellegueule est le "vrai" nom d' Edouard Louis. Il a intégré la prestigieuse Ecole Normale Supérieure. Il est aujourd'hui professeur.

2 commentaires:

  1. Ce livre est pressenti pour le Goncourt du premier roman.

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  2. Je viens de réaliser, après tous ces échanges vifs sur le blog, que le livre que j'ai proposé cette semaine est - encore, diront certains- une histoire de " pédé". S'en priver pour cette seule raison serait se priver d'un des meilleurs livres de l' année. Le propre de la littérature c' est d'accéder à l'universel, quel que soit le sujet, et ce livre appartient à la littérature...M.A.V.

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