Le
vent marin soufflait, poussant vers l'écluse les vaguelettes du
canal. Le soleil à travers le feuillage des pins y faisait
scintiller des milliers d'étoiles. C'était dimanche, le parking
était désert. Une petite voiture blanche se gara. Un homme élégant
en sortit ; il jeta un coup d'œil circulaire et l'air mécontent se
pencha vers l'intérieur de la voiture. Un jeune garçon d'une
dizaine d'années en sortit, brun, rondelet, il portait un sac
d'écolier sur son dos. Il interrogea l'homme du regard et, dépité,
lui prit la main. Ils suivirent le trottoir qui longe le canal et
disparurent au tournant de la rue .
Personne ?
En apparence seulement ! Talbot avait suivi la scène depuis son
poste favori d'observation, derrière les volets entrecroisés de
cette petite maison insignifiante en face de l'écluse. Le vieil
homme fut intrigué par ce qu'il venait d'apercevoir ! Une série
de "pourquoi"
l'assaillit soudain : pourquoi ce coup d'œil circulaire et
l'air mécontent de l'homme élégant ? Pourquoi l'enfant
portait-il un sac d'écolier en ce jour vaqué et pourquoi
semblait-il dépité ? Pourquoi cet adulte avait-il entraîné
cet enfant le long du canal ? Simple promenade dominicale ?
Intentions malhonnêtes ? Talbot se sentit concerné par ce
manège quelque peu inhabituel ! Et si l'enfant était en
danger ? Quelle conduite devait-il adopter ? Il lui fallait
agir vite mais que faire ?
Le
TGV avait ralenti. Le front appuyé contre la vitre, Katia voyait
défiler les premiers pavillons de la banlieue parisienne. Elle avait
visité Paris, avec Antoine, au cours de leur voyage de noce, il y a
12 ans. Elle avait connu son mari à l'hôpital de Bucarest où elle
était infirmière. Lui, médecin français, s'occupait beaucoup
d'aide humanitaire. Ils étaient tombés amoureux, s'étaient mariés
et Grégory était né : un beau bébé brun et dodu. La vie en
France était plus facile. Hélas ! la mère d'Antoine, veuve, ne
l'avait pas acceptée : Une Roumaine !!! À présent, Antoine la
délaissait ; il avait des maîtresses et était allé vivre chez
l'une d'elles pour faire un break. Katia avait décidé d'aller à
Paris où son frère Anton faisait un stage d'ingénieur, pour lui
demander conseil. Elle avait mis un SMS à Antoine "Si je ne
suis pas au rendez-vous, amène le petit chez ta mère, je passerai
le prendre".
Talbot
très inquiet et n'y tenant plus, enfila un simple blouson et décida
de se rendre compte par lui-même du sort réservé à l'enfant ?!
Il emprunta donc le trottoir qui longe le canal... Arrivé au
tournant, il dut se rendre à l'évidence ; pas âme qui vive ?!
Où étaient donc passés l'homme et l'enfant ? À ce moment-là,
une péniche sur le point d'atteindre l'écluse, ralentit puis
s'immobilisa. Un homme sauta prestement sur le quai pour amarrer le
bateau et actionner le mécanisme. Talbot s'approcha du marinier...
Oui, il avait bien aperçu un homme et un enfant. Il les avait vus
s'enfoncer dans la pinède au niveau de la grande pierre levée, ce
menhir énigmatique dont personne ne connaissait l'origine et qui
laissait planer dans les environs des histoires fantasmagoriques. "Mieux valait ne pas s'aventurer dans ses parages..." disait-on dans le pays !!
Anton
attendait sa sœur sur le quai de la gare d'Austerlitz. Il l'emmena
dans un café et Katia lui raconta ses malheurs.
-
Et Grégory, dit-il, il est chez son père ?
-
Oui, ou chez sa grand-mère ; je vais appeler pour savoir si tout va
bien.Tiens ! le portable d'Antoine est sur répondeur ?
-
Peut-être que ça ne passe pas, appelle ta belle-mère.
-
Oui, bonjour Louise, c'est Katia. Vous avez récupéré Grégory ?
Non ?? Je suis à Paris, je rentre demain ; Antoine devait vous
l'amener en fin d'après-midi.... et ....il ne répond pas
............
Talbot
se dit qu'il avait eu raison de s'inquiéter ! Il hésita un
bref instant puis n'écoutant que sa conscience, il allongea le pas.
Arrivé à la pierre levée, il hésita un bref instant mais alors
qu'il s'apprêtait à s'enfoncer dans la pinède, il s'arrêta
soudain. Il se calma ! Le spectacle qui s'offrait à ses yeux
était inespéré ?! L'homme et l'enfant, assis sur un rocher, devisaient gaiement tout en dégustant un copieux goûter. Le père
et son fils prolongeaient un ultime moment de complicité...
Ouf ! On est soulagés ! Quel suspense !
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