mardi 18 novembre 2014

HISTOIRE DU JOUR... "poursuivie"

Le car s'arrêta sur la grand place. Nous avions 2 heures pour flâner et visiter la ville. Le groupe s'égailla rapidement, seule restait une dame anglaise qui parlait peu le français. Je lui proposai ma compagnie qu'elle accepta avec plaisir. Elle s'appelait Dorothy.
Et nous voici parcourant les petites rues du centre ville, photographiant les bâtiments, admirant les célèbres "grenats" dans les vitrines des bijoutiers de cette capitale du Roussillon. Soudain apparut la cathédrale ; Dorothy se précipita à l'intérieur, acheta un cierge qu'elle alluma sur l'autel de la Vierge et se mit en prière. Quand elle se releva, elle avait les larmes aux yeux et devant mon étonnement, me dit : "C'est pour ma fille."
- Elle est malade ?
- Non, je ne sais pas où elle est, je la cherche. On me l'a prise quelques mois après sa naissance."
Je restai sans voix ! Pourquoi et comment prendre un enfant à sa mère ?! Toutes sortes de suppositions me traversèrent l'esprit. Je n'osai poser la moindre question risquant de heurter cette femme éplorée... Il me fallait gagner sa confiance... elle finirait par s'épancher. Je l'invitai à boire un thé...
Le samedi suivant,Dorothy vint me voir. Elle avait préparé un"cheese cake" (gâteau au fromage) qui ressemblait un peu à notre "fiadone". Un doux parfum de thé se répandait dans le salon :
-Avez-vous vu le film "The Magdalene sisters" me demanda-t-elle?
-Oui, vous voulez dire que .....
-Eh oui, j'ai séjourné dans un tel couvent. Jusqu'à l'adolescence, j'ai vécu en Irlande avec ma mère. J'avais un petit ami, Patrick ; nous attendions ma majorité pour nous marier. Mais je tombai enceinte et ma mère, pour ne pas subir la honte de mon péché, m'emmena dans le couvent le plus proche. La vie y était très dure. Du matin au soir on faisait des lessives. J'accouchai d'une fille que j'appelai Patricia. À 3 mois, elle tomba malade. On l'emmena à l'infirmerie et le lendemain on me dit qu'elle était morte. Je ne pus la voir. Imaginez mon désespoir ! Je tombai malade à mon tour et ma mère vint me reprendre. Quelque temps après, nous déménagions dans la banlieue de Londres où un frère de ma mère nous avait trouvé du travail. C'est là que j'ai connu mon mari, nous avons 2 enfants. Mais, j'étais souvent dépressive, je n'oubliais pas Patricia ! Mon mari qui connaissait mon passé me proposa de faire une visite au couvent pour essayer de faire mon deuil. Il y avait une nouvelle Mère Supérieure ; elle retrouva mon dossier et, quand je demandai à me recueillir sur la tombe de Pat, elle me regarda stupéfaite :
- Mais, mon petit, Patricia n'est pas morte, elle a été adoptée !
Hélas, la partie concernant les parents adoptifs était manquante......


- Dites-moi Dorothy, sans être indiscrète, pourquoi vivez-vous en France ?
- L'an dernier, nous avons reçu de la Mère supérieure du couvent, un courrier disant:"une jeune femme française, Patricia Pujol née en 1975, lors de ses vacances en Irlande, est venue au couvent pour voir le lieu de sa naissance dont ses parents adoptifs lui avaient parlé. Elle voulait aussi voir la tombe de sa mère biologique. Quand je lui racontai votre visite, la stupeur la fit vaciller. Je lui ai donné vos coordonnées."
- Enfin, dis-je, une lueur au bout du tunnel ! Oui, mon mari étant à la retraite nous avons décidé de venir vivre en France. Un jour, nous avons reçu une longue lettre de Patricia. Pour résumer, elle disait qu'elle vivait dans le sud de la France, qu'elle était très heureuse de me savoir en vie, mais qu'elle n'était pas encore prête pour une rencontre .............


Voici un an que je n'ai pas revu Dorothy. Mais, j'ai rencontré une personne qui vit dans le même village et qui m'a dit ceci : " La rencontre entre mère et fille a bien eu lieu ; Dorothy marie son fils au printemps prochain et Patricia est invitée... Je souhaite qu'elles aient beaucoup à se dire..... 
À 40 ans de distance, on peut s'interroger, quand on voit les problèmes de communication avec nos propres enfants......"

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