Mais
pourquoi ce matin son cœur semble-t-il battre plus fort ?
Au
fond de la bergerie, l’ami Philippu se tient près de
la vieille brebis Bianca-Nera, dont c’est sans doute
un des derniers agnelages. Il n’est pas seul. Un personnage
élégamment vêtu d’un costume léger se tient en retrait, sans
pouvoir échapper aux odeurs, cela se voit sur son visage crispé…
La
brebis bêle faiblement, entre ses efforts inutiles. Sa plainte,
discrète mais lancinante, accentue l’impression de malaise qui
règne dans la pièce embuée.
"Tu
arrives à temps", dit à voix basse Philippu.
Et
le silence s’installe… Combien dure-t-il ? Cinq minutes ?
Un quart d’heure ? Une heure ? La tension est à son
comble. Même le troupeau semble bêler plus rarement.
Soudain
la voix de l’Homme s’élève. Il grommelle sourdement, et
curieusement c’est sur la brebis gisante que se porte son lourd
regard.
"Qu’est-ce
qu’il fait, celui-là, ici, avec ses souliers vernis ?"
Le
bien habillé se gratte la gorge, et d’une voix étranglée, parle,
de manière entrecoupée, d’enfants qu’aurait eus Maria, la sœur
de l’Homme, partie très jeune sur le Continent sans laisser de
traces, d’héritiers qui auraient contacté un notaire, et de
visites à la bergerie, et de conversations avec les gens du village…
L’Homme écoute intensément, reliant confusément tout cela à la
visite d’Orso.
Mais
le bien habillé continue son triste monologue. Il est en train de
raconter que maintenant il n’y a plus qu’une heure de marche du
bout de la route jusqu’à la bergerie ; avec les énormes
pelleteuses actuelles, et au besoin avec un peu de dynamite, un
promoteur se fait fort d’ouvrir un passage dans le dernier défilé
qui résiste encore, et après cette dernière blessure dans la
roche, de construire une grande résidence sur son domaine, qui
appartient aussi à ses neveux n’est-ce pas ?... (à suivre)_JDM
Filippu et pas Philippu
RépondreSupprimerO. K.
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