vendredi 18 mars 2016

Le coin des Poètes... (Georges Brassens)


Mourir pour des idées
 
Mourir pour des idées, l'idée est excellente
Moi j'ai failli mourir de ne l'avoir pas eue
Car tous ceux qui l'avaient, multitude accablante
En hurlant à la mort me sont tombés dessus
Ils ont su me convaincre et ma muse insolente
Abjurant ses erreurs, se rallie à leur foi
Avec un soupçon de réserve toutefois
Mourons pour des idées, d'accord, mais de mort lente,
D'accord, mais de mort lente

Jugeant qu'il n'y a pas péril en la demeure
Allons vers l'autre monde en flânant en chemin
Car, à forcer l'allure, il arrive qu'on meure
Pour des idées n'ayant plus cours le lendemain
Or, s'il est une chose amère, désolante
En rendant l'âme à Dieu c'est bien de constater
Qu'on a fait fausse route, qu'on s'est trompé d'idée
Mourons pour des idées, d'accord, mais de mort lente
D'accord, mais de mort lente

Les saint jean bouche d'or qui prêchent le martyre
Le plus souvent, d'ailleurs, s'attardent ici-bas
Mourir pour des idées, c'est le cas de le dire
C'est leur raison de vivre, ils ne s'en privent pas
Dans presque tous les camps on en voit qui supplantent
Bientôt Mathusalem dans la longévité
J'en conclus qu'ils doivent se dire, en aparté
"Mourons pour des idées, d'accord, mais de mort lente
D'accord, mais de mort lente"

Des idées réclamant le fameux sacrifice
Les sectes de tout poil en offrent des séquelles
Et la question se pose aux victimes novices
Mourir pour des idées, c'est bien beau mais lesquelles ?
Et comme toutes sont entre elles ressemblantes
Quand il les voit venir, avec leur gros drapeau
Le sage, en hésitant, tourne autour du tombeau
Mourons pour des idées, d'accord, mais de mort lente
D'accord, mais de mort lente

Encor s'il suffisait de quelques hécatombes
Pour qu'enfin tout changeât, qu'enfin tout s'arrangeât
Depuis tant de "grands soirs" que tant de têtes tombent
Au paradis sur terre on y serait déjà
Mais l'âge d'or sans cesse est remis aux calendes
Les dieux ont toujours soif, n'en ont jamais assez
Et c'est la mort, la mort toujours recommencée
Mourons pour des idées, d'accord, mais de mort lente
D'accord, mais de mort lente

O vous, les boutefeux, ô vous les bons apôtres
Mourez donc les premiers, nous vous cédons le pas
Mais de grâce, morbleu! laissez vivre les autres!
La vie est à peu près leur seul luxe ici bas
Car, enfin, la Camarde est assez vigilante
Elle n'a pas besoin qu'on lui tienne la faux
Plus de danse macabre autour des échafauds!
Mourons pour des idées, d'accord, mais de mort lente
D'accord, mais de mort lente
 
Georges Brassens (Sète, 1921 - Saint-Gély du Fesc, 1981)

8 commentaires:

  1. Tonton Georges bien sur !!! Encore et toujours....
    Et ça colle à nôtre ( pitoyable ) actualité...

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  2. J'adore.....un peu de Mallarmé et ses onze mille verges...la poésie est parfois coquine..

    HERCULE ET OMPHALE

    Le cul
    D'Omphale
    Vaincu
    S'affale.

    -"Sens tu
    Mon phalle
    Aigu?
    - "Quel mâle!...

    Le chien
    Me crève!...
    Quel rêve?...

    - Tiens bien?"
    Hercule
    L'encule

    bc..c'est un sonnet...court...

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    1. Il n'a pas l'air si mal arme que cela

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  3. Si vous ne connaissez pas cette chanson ( ce poème....) lisez la , relisez le vous ne le régrêterez pas !!!

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  4. Comme les histoires , les poèmes les plus courts sont , souvent , les meilleurs.

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  5. Les onze mille verges, est un roman de G. Apollinaire me semble-t-il.

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  6. Apollinaire bien sur ...mon doigt à fourché...( quand j'écris Apollinaire l'IPad me corrige en. " amolli aire " !! ...curieux )..bc


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  7. Brassens était un grand, à la fois poète et philosophe. Cette chanson est superbe!

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