mercredi 14 septembre 2016

L'histoire des lecteurs... (anonyme ?)

Sur le chemin de Compostelle (suite)
Sacs au dos et munis de nos bâtons de marche nordique, nous étions partis tôt dans l’air frais du matin : vingt-cinq kilomètres avec un fort dénivelé, il faut bien compter six à sept heures de marche pour atteindre Roncevaux. Dès la sortie de la ville, la route monte, abrupte, bordée de prairies et de maisons basques. Devant nous, de loin en loin, s’échelonnent d’autres marcheurs. Nous doublons des cyclistes qui poussent leurs vélos surchargés.
Quelles sont les motivations réelles de tous ces Jacquets : Découverte touristique, équipée sportive, recherche ou dépassement de soi, sentiment religieux (
"Celui qui croyait au ciel et celui qui n’y croyait pas") ? Un peu de tout cela, sans doute. L’effort sportif et la découverte de nouveaux horizons sont les motifs avoués de notre groupe. Plus jeunes et mieux entraînés, Claire et Aurélien mènent la marche. Jeanne et moi, avançons péniblement.
Nous nous connaissons depuis l’enfance. Jeanne est une femme sérieuse, intelligente, pondérée. Elle a fait de bonnes études, un bon mariage et ses enfants sont sans histoires. À présent, elle est veuve et vit très mal sa solitude. Je l’ai entraînée dans mon club de randonnées.
Les prairies ont succédé aux jardins. Des troupeaux de moutons y broutent, paisibles. Des bancs de brume stagnent çà et là dans les vallées. Après trois heures de marche, nous projetons une halte à la Vierge d’Orisson. Des nuages apparaissent, envahissent l’horizon et nous voici plongés dans le brouillard. Le tonnerre, les éclairs nous font hâter le pas. De grosses gouttes frappent le sol et nous cinglent le dos lorsque nous arrivons, enfin, à l’auberge. D’autres pèlerins y sont déjà réfugiés dont l’inconnu solitaire de notre chambrée.
"Un frais parfum montait, non pas des touffes d’asphodèles", mais de l’herbe récemment fauchée dans les prés d’alentour.
- Jeanne, est-ce que ça sent aussi bon quand tu arroses ton jardin ? plaisanta Aurélien.
Je vis notre inconnu lever brusquement la tête et se rapprocher de notre groupe.


"Vierge d'Orisson"

3 commentaires:

  1. Merci pour la mise en page et l'illustration.

    RépondreSupprimer
  2. Avez-vous lu :"Immortelle randonnée" (Compostelle malgré moi) de J.C Rufin, un beau voyage plein d'humour et d'émerveillement.Si j'avais quelques années de moins, ce beau voyage me tenterait ...en partie!

    RépondreSupprimer
  3. Jeanne.Chaque fois que Baptiste entend ce prénom, il lui revient en mémoire un décor, une plage du Roussillon où, lycéen, il passait souvent quelques jours de vacances avec ses parents. Aux heures encore fraîches du matin, il allait se baigner. Une silhouette frêle et gracieuse longeait tranquillement le bord de l’eau. « Jeanne, ne t’éloigne pas trop », son père, sans doute, qui s’inquiétait. Son cœur d’adolescent s’emballait, il la suivait des yeux, belle et mystérieuse.
    Après une enquête timide, il avait appris que les parents de Jeanne habitant la région parisienne, avaient loué un appartement pour la saison estivale. Il ne lui a jamais parlé. Il lui est resté cette image et cet émoi qui revient au hasard d’un nom de rencontre : Jeanne.
    Pourtant, il avait été heureux avec Lisa, sa femme. C’était une brave fille, conciliante, facile à vivre, un peu trop fantasque, peut-être ? A la réflexion, ils ne partageaient plus grand-chose. Au fond de lui, il y avait toujours ce désir, ce manque, cette quête de l’âme sœur, cette fusion du corps et de l’esprit. Utopie ? Jeanne.
    « Elle a passé, la jeune fille,
    Vive et preste comme un oiseau :
    A la main une fleur qui brille,
    A la bouche un refrain nouveau.
    x x x
    C’est peut-être la seule au monde
    Dont le cœur au mien répondrait,
    Qui venant dans ma nuit profonde
    D’un seul regard l’éclaircirait !... »
    (G. de Nerval).


    RépondreSupprimer