dimanche 27 novembre 2016

U VECCHJU RUTALI - Traditons orales

Extrait du mémoire rédigé par le chanoine Jean-Thomas FLORI

À ARGHA

Tant qu'il y a eu un prêtre en résidence à Rutali, chaque année, à l'occasion des fêtes de Ste Marie et de St Roch, les 15 et 16 août, une quête était faite à domicile. Tous les produits ainsi collectés étaient rassemblés au fond de l'église et, le soir avant la procession, un homme qui, pour la circonstance s'improvisait en "commissaire priseur" procédait aux enchères que l'on appelait : "A argha".
À l'extrémité d'un bâton il allumait une chandelle et annonçait la couleur...Lorsque la chandelle allait s'éteindre le commissaire priseur annonçait : "U Respice" "U Vergine ! ".
Cela signifiait que la marchandise restait au dernier enchérisseur. On totalisait ainsi des sommes d'argent importantes. Elles alimentaient la caisse de la paroisse. Elles étaient employées à des travaux de réparation ou de restauration de l'église ou bien à l'achat d'objets nécessaires au culte.

BÉNÉDICTION DES TROUPEAUX.

Le 16 août, dès l'aube, le curé de la paroisse se tenait sur la place de l'église où défilaient des troupeaux de brebis et de chèvres. En 1935, on en comptait plus de soixante. Les bergers ne manquaient pas de venir implorer la bénédiction du ciel par l'intercession de St Roch sur leurs troupeaux. Ce n'était pas une pratique superstitieuse qu'ils accomplissaient, mais une démarche de foi. Tout cela ne se fait plus car les bergers ont disparu et le Pasteur aussi.
Nous avons essayé de reproduire de notre mieux ces quelques traditions qui ont disparu,
non seulement de Rutali, mais de l'ensemble de la Corse.

Nous voudrions relater ici quelques images de ce passé passionnant où la vie paysanne se déroulait dans un cadre bucolique, comme par exemple :

LE CHEVRIER COMMUNAL.

Autrefois, aux quatre coins du village, on entendait de très bon matin, résonner "U culombu"
C'était le chevrier communal qui rassemblait ainsi sur la place publique les chèvres qu'il menait paître dans la montagne. On était à une époque où chaque famille possédait une ou plusieurs chèvres, que l'on appelait "casareccie" (de maison).
L'argent était alors chose rare, le pâtre pour les services qu'il rendait à la communauté, percevait un pain par semaine et par tête de chèvre...Le soir , au coucher du soleil, alors que l'angélus tintait au clocher du village, le pâtre ramenait le troupeau. Il le parquait à l'endroit où il l'avait rassemblé à l'aube. "E coche" (les chèvres) prenaient d'elles mêmes la direction de la maison.
Après leur avoir donné une bonne poignée de châtaignes, dont elles raffolaient, il était procédé à la traite. Le lait était mis à "u serenu" (au frais). Le lendemain on le retrouvait tout chaud dans le bol. Il avait, je vous l'assure, meilleur goût que celui qui nous est servi aujourd'hui. Souvent on le gardait pour le midi ou pour le soir. Il était aussi destiné à être mélangé aux "brilulli" (bouillie de farine de châtaignes). Qu'elle était délicieuse et nourrissante !...En ce temps là, on ne connaissait pas les repas fastueux d'aujourd'hui... On menait une vie sobre, mais elle était saine.




2 commentaires:

  1. A garga, galga, gallica (ne pas prononcer le premier g entre deux voyelles comme pour « a gola »), les enchères.
    U Respice, u Vergine (accent tonique sur la première syllabe pour ces deux mots) signifie la fin, tout est terminé, consumé. L’expression « Dà u respice fine » veut dire donner un coup mortel, le coup de grâce. Mais « Respice, quæsumus, Domine» est le début de l’oraison de l’office du Jeudi Saint où l’on éteignait le dernier cierge au sommet d’un triangle, symbole du Christ qui s’est livré et qui a subi le supplice de la croix. Il s’ensuivait un bruit que l’on faisait dans la sacristie qui signifiait selon certains que l’on voulait chasser les juifs responsables de cette mort ou le démon, ou même signifier la descente aux enfers du Christ pour délivrer les âmes, et enfin une autre explication : ce bruit ou vacarme pour rappeler le tremblement de terre qui suivit la mort de Jésus.
    U vergine : le morceau de cire (a cera) vierge, brute. L’homme qui procédait aux enchères en préparait quatre ou cinq pour faire durer les enchères. Lorsqu’il était presque éteint, il disait « o vergine » et quand il s’éteignait, le lot allait au dernier enchérisseur.

    Le chevrier communal. U capraghju, u sciuccaiu.
    C’était Michele Battestini, le père de Marie, Claude, François, Ignace et Sacrina, qui prenait en charge les « sciocche » ou « capre casarecce ». Il sonnait du « culombu » ou « cornu ». Le lait ajouté aux « brilluli » un délice, le plat fréquent des bergers comme de tous car à l’époque, les bergers étaient nombreux et la production de farine de châtaignes abondante.
    U serenu : la fraîcheur du soir (sera), de la nuit.

    Louis

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  2. Merci Louis pour ces précieuses précisions si instructives.

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