En
forêt du Dom, il est une auberge... Son renom se fait si vite qu’il
n’est pas besoin de la désigner plus clairement. Le lieu est beau,
en pleine forêt profonde, et la route romantique tourne à souhait
pour l’attaque des diligences... Les soirs d’été, deux, trois
tables rudimentaires, égaillées sous les acacias, attendent les
amateurs de gibier, et les friands du poisson que j’appelle “ le
poisson au coup de pied ”. Est-ce une recette ? Non. Un
accommodement culinaire primitif, vieux comme l’olivier, comme la
pêche au trident. jamais cuisson n’a demandé moins d’apprêts —
il n’y faut que la manière. Ayez seulement.... une forêt
provençale, tout au moins méridionale. Fournissez-vous-y de bois
choisi : bûches cornues d’olivier, fagots de ciste, racines et
branches de laurier, rondins de pin pleurant la résine d’or, menue
broussaille de térébinthe, d’amandier, n’oubliez pas le sarment
de vigne. A même la terre, entre quatre gros éclats de granit,
bâtissez, allumez le bûcher. Pendant qu’il flambe, rouge, blanc,
cerise, léché d’or et de bleu, il n’y a rien à faire que le
regarder. Le ciel vert du crépuscule provençal au-dessus de lui,
tourne au bleu de lac. Les flammes baissent, se couchent; vous avez
sous la main, n’est-ce pas, une ou plusieurs belles pièces dé
poisson méditerranéen, tout vidé ? Vous avez acquis à
Saint-Tropez une rascasse monstrueuse, à gueule de dragon, ou vous
avez apporté de Toulon les malins mulets à dos noirs, et vous
n’avez pas omis, vidant ceux-ci ou celle-là, de glisser, tout le
long de leur ventre creux, un fuseau de lard ? Bon. Apprêtez votre
balai, j’appelle ainsi ce bouquet odorant de laurier, de menthe, de
pebredaï, de thym, de romarin, de sauge, que vous avez noué avant
d’allumer votre feu. Apprêtez donc le balai, c’est-à-dire qu’il
trempe dans un pot empli de la meilleure huile d’olive mêlée de
vinaigre de vin — ici nous n’admettons que le vinaigre rose et
doux. L’ail — vous pensiez naïvement qu’on pouvait se passer
de lui ? — pilé, jusqu’à consistance de crème, rehausse le
mélange comme il convient. Du sel, peu, du poivre, assez. Attention.
Votre feu n’est plus que braise bientôt. Un lit épais de braise
qui chante bas, des tisons qui flambent encore un peu; une fumée
translucide, légère, porte à vos narines l’âme consumée de la
forêt... C’est le moment de donner le magistral coup de pied qui
envoie, au loin, bûches, brandons et fumerolles, qui découvre et
nivelle le charbon ardent d’un rose égal, met à nu le coeur pur
du feu sur lequel halète un petit spectre igné, bleuâtre, plus
brûlant encore que lui. Un vieux gril, à trois pieds hauts,
salamandre tordue au service de la flamme, reçoit le poisson bénit
de sauce, et le tout se plante d’aplomb, en plein enfer. Là !...
Vous n’en êtes pas encore à la maîtrise de l’homme du Dom,
l’homme de qui l’on ne voit que l’ombre sur le feu. Le bras
noir armé du balai aromatique, le bras noir sans cesse humectant,
aspergeant, retournant le poisson sur le gril, pendant... Pendant
combien de temps ? L’homme noir le sait. Il ne mesure rien, il ne
consulte pas de montre, il ne. goûte pas, il sait. C’est affaire
d’expérience, de divination. Si vous n’êtes pas capable d’un
peu de sorcellerie, ce n’est pas la peine de vous mêler de
cuisine. Le “ poisson au coup de pied ” saute de son vieux gril
dans votre assiette. Vous verrez qu’il est roide, vêtu d’une
peau qui craque, s’exfolie et bâille sur une chair blanche, ferme,
dont la saveur se souvient de la mer et des baumes sylvestres. La
nuit résineuse descend, une lampe faible, sur la table, dénonce la
couleur de grenat du vin qui emplit votre verre... Marquez, d’une
libation reconnaissante, cet instant heureux.
On mange très bien à Voce di Rutali,cette semaine bouchées au fromage ,poisson "au coup de pied "signe Colette et tarte mousseline aux framboises .
RépondreSupprimerLes recettes sont choisies ,bien écrites et illustrées.Pas de critiques de fâcheux anonymes .Le rêve ...
Commentaire élogieux mais également anonyme
RépondreSupprimerAu temps pour vous .
RépondreSupprimerIl faudrait un changement .
Beaucoup le souhaitent
Certains reviendraient .
Il faut moins de répétition
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