jeudi 13 août 2020

LA CRISE DU COVID VÉCUE PAR UN MÉDECIN GÉNÉRALISTE À PARIS _ Dr Bernard DAUBA-ETCHEBARNE

Dr Bernard DAUBA-ETCHEBARNE de la Maison Pantanacce - mari de Marie-Josée fille de Noël et Paule - Place de l'église
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PREAMBULE
Je ne ferai pas l'historique de cette pandémie nouvelle qui n'est pas terminée mais rapporterai mon vécu confronté à sa réalité dans le contexte particulier d'un des plus grands centres de santé de Paris/Ile de France .
INTRODUCTION
Le Centre Médical Europe (C.M.E.), où je consulte en qualité de Médecin Généraliste, est constitué sous la forme d'une Association à but non lucratif ( Loi de 1901 ). Il est agréé et conventionné par la Sécurité Sociale et plus de 80 Mutuelles et pratique des tarifs homologués. Il a été créé en 1959 par son Président Fondateur, le Docteur Raymond DUPUY, ancien Médecin Militaire () devenu, après une ré-orientation de carrière, Contrôleur Général des Armées. Si, au moment de la création du Centre, le Dr. DUPUY était assisté de 10 anciens médecins militaires retraités, il y a actuellement 220 Médecins et Dentistes (dont 9 anciens militaires), représentant la plupart des spécialités, sauf la Neuro-Chirurgie . En incluant les actes para-médicaux, le Centre enregistre environ 800 000 passages par an.

LE 14 MARS 2020, COMPTE TENU DU CONSTAT DE LA CIRCULATION DU VIRUS ET DE SA TRANSMISSION POSSIBLE SUR L'ENSEMBLE DU TERRITOIRE, LA PHASE 3 DE L'EPIDEMIE EST DECLENCHEE PAR LE GOUVERNEMENT ET LE 17 MARS LE STADE DE CONFINEMENT EST DECRETE. Dès lors, le C.M.E. s'est ré-organisé, pour être en mesure de prendre en charge l'évaluation et le traitement des cas de Covid-19, en se dotant d'un local ambulatoire totalement dédié " Coronavirus ", hermétiquement isolé du reste des services, pour les prélèvements naso-pharyngés RT-PCR. Dans le même temps, les consultations en "présentiel" sont réduites essentiellement à la Médecine Générale, lorsqu'elles sont indispensables, afin de prévenir la circulation du virus parmi les patients, habituellement très nombreux en consultation, et parmi le personnel indispensable au fonctionnement du Centre dans sa nouvelle configuration.
LA DECOUVERTE DE LA TELECONSULTATION ( T.C. ) - malheureusement sans vidéo que le Centre n'est pas parvenu à mettre au point - est un exercice nouveau pour moi, habitué à manipuler le stéthoscope, le tensiomètre, le marteau à réflexes et à examiner physiquement les patients. Elle se déroule ainsi : les patients s'inscrivent par téléphone comme pour un R.V. habituel auprès de notre centre d'appel en fournissant leur n° de téléphone, pour être rappelés par le médecin consultant, et une adresse mail, s'ils en disposent, pour la télétransmission des divers documents : ordonnances de médicaments, examens complémentaires, arrêts de travail, lettres de correspondances auprès de spécialistes, voire d'hospitalisation. Les patients âgés ou étrangers ne disposant pas en général de messagerie reçoivent ces documents par la Poste, souvent avec retard du fait de la réduction des jours de levées et de distribution lors du confinement ; pour tous, les ordonnances de médicaments peuvent être également adressées à la pharmacie dont les coordonnées nous ont été communiquées.
EN PRATIQUE, dès l'ouverture de mon ordinateur, apparaît la liste des patients, majoritairement inscrits en T.C. et celle plus réduite de ceux présentant un cas particulier médical ou administratif exposé au Médecin filtreur, en attente à l'entrée du Centre, qui évalue la nécessité ou pas d'une consultation en PRESENTIEL : la consultation d'un patient masqué, ganté et orienté vers son médecin peut débuter. A partir des symptômes réputés pathognomoniques du Sars-cov2, l'Agence Régionale de Santé (A.R.S.) a défini un arbre décisionnel très utile permettant de catégoriser 4 sortes de patients :
* LES PLUS NOMBREUX sont des patients cherchant à se rassurer sur la nature de leurs symptômes suspectés par eux covid à partir des nombreuses émissions "Radio/Télé" en continu les décrivant en détail par le "menu". A chacun d'eux, une documentation écrite de recommandations-patients adultes, validée par l'A.R.S., est systématiquement envoyée, au cas où, avec les n° de téléphone dédiés : le 15 ou le 00 130 800 00.
* PUIS LES PATIENTS SUSPECTS COVID+ mais sans symptômes de gravité (Toux, Gêne respiratoire, Fièvre...) ni co-morbidités (Obésité, Diabète, Pathologies respiratoires chroniques, Antécédents cardio-vasculaires, Age avancé ...), sont invités à demeurer à leur domicile, confinés, protégés, sans Test PCR par défaut épisodique de réactifs, mis en arrêt de travail 14 jours pour ceux en activité et pourvus de la "Fiche Recommandations patient adulte à domicile ".
* LES PATIENTS FORTEMENT SUSPECTS COVID OU + AU TEST PCR et présentant les signes de gravité indiqués supra sont dirigés vers le Centre 15 pour une hospitalisation ou hospitalisés directement par nos soins lorsque le 15 débordé ne répondait pas grâce à une liste d'ambulances dont nous avons les coordonnées téléphoniques .
* LA DERNIERE CATEGORIE de consultations concerne des patients demandant un avis médical pour une pathologie courante, le renouvellement d'ordonnances pour des pathologies chroniques, la prescription d'antalgiques de palier 3 délivrés sur des ordonnances sécurisées pour des cancers évolutifs très algiques .
REMARQUE : Aux demandes plus ou moins associées des Autorités sanitaires, des patients et des employeurs, le nombre d'arrêts de travail tendant à réduire la transmission du virus a explosé.
LIMITES DE LA TELECONSULTATION
Sans être cliniquement idéale la T.C. couplée à la vidéo peut être validée, par défaut d'autre choix, dans des situations particulières telle celle dictée par l'actuelle pandémie. Elle est justifiée dans les spécialités comportant l'interprétation d'images ou de résultats d'examens complémentaires télétransmis (Dermatologie, Imagerie, Bilans biologiques, etc...). Elle ne saurait, à mon sens, remplacer une consultation en présentiel en Médecine Générale et diverses autres Spécialités nécessitant un examen clinique et le contrôle objectif des paramètres physiologiques mesurés.
REMARQUES :
* Combien de fois ai-je entendu, en consultation "normale", des patients venus exposer divers symptômes ressentis (Fièvre, problèmes cardio-pulmonaires...) non retrouvés au moment de l'examen clinique convenablement réalisé, ce que la T.C. ne permet pas. Deux exemples parmi d'autres récemment vécus au téléphone : des otalgies (impossibles à diagnostiquer sans otoscopie), une douleur abdominale (exigeant une palpation) !


* La T.C. est indispensable et pratiquée depuis de nombreuses années dans toutes les situations où les personnels concernés se trouvent en positions d'isolement, éloignés des structures de soins convenablement dotées en personnels formés et en matériels, à condition qu'en " bout de chaîne " il y ait un médecin ou un Infirmier capable de suivre les conduites à tenir avec les moyens à sa disposition. Il y a aussi le cas des volontaires des missions scientifiques, en séjour de 12 à 24 mois aux Terres Australes et Antarctiques Françaises (T.A.A.F.), des marins participant à la Course à la voile autour du monde, des spationautes plusieurs mois en orbite dans la Station Spatiale Internationale ( I.S.S. ), etc ...
ENSEIGNEMENTS DE LA T.C.
* Réduction importante du nombre de patients habituellement suivis pour des maladies chroniques, parfois déséquilibrées car mal contrôlées du fait de la sédentarité contrainte, de la modification de l'hygiène alimentaire, du stress et de la crainte d'une contamination covid lors d'une consultation au Centre qui, en présentiel, était de toutes façons réduite.
* Je constate également que, depuis la fin du confinement, le 11 mai 2020, un certain nombre de patients continuent à prendre R.V. en T.C. alors qu'ils peuvent désormais venir consulter au Centre. Une Explication possible à cette démarche, peut-être temporaire, celle de la commodité : COMPREHENSIBLE pour la patientèle d'origine étrangère défavorisée, majoritaire parmi les consultants, du fait de l'éloignement de leur domicile et de la réduction importante des transports collectifs durant la période de confinement. DE NATURE DIFFERENTE pour la patientèle plus favorisée considérant, pour une partie d'entre elle, la Médecine, comme un bien de consommation reposant sur une demande d'examens complémentaires inutiles, de médicaments hors indications suggérés par un parent, un ami ou une émission de vulgarisation "mal digérée". DANS LE MEME TEMPS, j'ai entendu certains de mes confrères ou consoeurs, souhaiter dans la mesure du possible la poursuite de la T.C., rejoignant ainsi l'état d'esprit des patients privilégiant ce mode de consultation la plus brève sans devoir se déplacer. "Time is Money " ? DERNIERE HYPOTHESE CONCERNANT LES MEDECINS : les conditions pratiques de cette nouvelle expérience médicale m'ont permis de constater que la T.C. est plus confortable car les patients, étant en attente chez eux, acceptent davantage d'être appelés avec retard ce qui n'est pas le cas en salle d'attente au cabinet, en particulier avec les hypochondriaques difficiles à rassurer, les psychopathes, grands consommateurs de temps médical, etc … J’ai constaté également que certains patients inscrits en T.C. étaient absents de leur domicile lorsque je les appelais me contraignant à rappeler plusieurs fois pour tenter de les joindre avant d’annuler la consultation lorsque la communication n’était pas possible.

MES REFLEXIONS NON CONCLUSIVES SUR CETTE PANDEMIE NOUVELLE EN COURS D'EVOLUTION.
" La critique est aisée mais l'Art est difficile " (Notamment l'art médical).
* Les mondes Médical et Politique ne sont pas dans la même temporalité vis à vis d'une pandémie nouvelle : le Premier, relevant " en même temps " de la science, de l'art et d'un certain pragmatisme, nécessite du temps long ponctué d'erreurs d'analyse avant de cerner la vérité, parfois temporaire car remise en cause au fil des ans. Le Second, dont le pouvoir est limité par les échéances électorales rapprochées, dispose de peu de temps pour décider sans que la médecine soit en mesure de lui fournir les clés de la bonne décision faute de connaissances validées .
* "Les conseilleurs n'étant pas les payeurs " (de revers politiques !), le médecin doit se garder d'entrer dans le champ politique en cherchant à faciliter une décision politique par son statut de "sachant" sur des connaissances médicales encore incertaines.
* Il est prématuré d'établir les responsabilités politiques et médicales dans la gestion hexagonale de cette pandémie avant son terme. Elles seront indispensables à son issue.
* Il devrait être possible d'appliquer à la gestion préventive de la santé la locution guerrière : "Si tu veux la paix prépare la guerre" en la remplaçant par : " SI VIS SANITAS PARA SUBSIDIIS " (si tu veux préserver l'état sanitaire du pays, prépare des réserves). Même si chacun de nous peut déplorer les gaspillages, la santé a un coût notamment en matière préventive, le parent pauvre de notre système de soins. A ce niveau, décidément marqué (déformé?) par 38 ans sous les drapeaux, permettez-moi un rapprochement osé entre la “dissuasion nucléaire” de notre pays - une arme de non emploi -, qui a prévenu le retour des grands conflits symétriques du passé (pourvoyeurs de millions de morts) mais pas la dissymétrie du terrorisme, et un barbarisme, "la dissuasion sanitaire (= sécurité)" nécessitant, non seulement au niveau du pays mais au plan européen, une Réserve Sanitaire en équipements et le retour de la fabrication des médicaments stratégiques en Europe (sachant, à titre d'exemple, que la fabrication du PARACETAMOL et de la PLUPART DES ANTIBIOTIQUES est extra-européenne !). Cette relocalisation Européenne de la production de médicaments aura forcément un surcoût devant être simultanément accepté par la population et le pouvoir politique. Cela est essentiel à intégrer car, il est permis d’avoir un doute sur la réalisation de ce souhait, sauf à la marge, par défaut de volonté des laboratoires dont ce n’est pas l’intérêt et des possibilités techniques rapides d’adaptation de l’outil de production.
Et pourtant, compte tenu de la récurrence de plus en plus rapprochée des Pandémies, Catastrophes naturelles, climatiques, Terrorisme .... ces 40 dernières années, l'Europe en général et la France en particulier doivent se préparer prospectivement et collectivement à les gérer dès le temps de "calme sanitaire" en se dotant de moyens prépositionnés. Ils ne serviront peut-être pas, devant être renouvelés, reformatés à l'échéance de péremption, sans avoir été utilisés mais leur besoin est incontournable .
 C'est le prix à payer pour la SECURITE SANITAIRE DU PAYS A COURT, MOYEN et LONG TERME.
Gardons en tout cas à l’esprit que, par la polymorphie des symptômes présentés, leur disparition puis leur récurrence pendant de nombreuses semaines qui peuvent déstabiliser certains patients et nécessiter un soutien psychologique, le Sars-cov2, que Jean-François DELFRAISSY qualifie de “saleté”, est loin d’avoir livré tous ses secrets !!!

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