Dr Bernard
DAUBA-ETCHEBARNE de la Maison Pantanacce - mari de Marie-Josée
fille de Noël et Paule - Place de l'église
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PREAMBULE
Je
ne ferai pas l'historique de cette pandémie nouvelle qui n'est pas
terminée mais rapporterai mon vécu confronté à sa réalité dans
le contexte particulier d'un des plus grands centres de santé de
Paris/Ile de France .
INTRODUCTION
Le
Centre Médical Europe (C.M.E.), où je consulte en qualité de
Médecin Généraliste, est constitué sous la forme d'une
Association à but non lucratif ( Loi de 1901 ). Il est agréé et
conventionné par la Sécurité Sociale et plus de 80 Mutuelles et
pratique des tarifs homologués. Il a été créé en 1959 par son
Président Fondateur, le Docteur Raymond DUPUY, ancien Médecin
Militaire (†)
devenu, après une ré-orientation de carrière, Contrôleur Général
des Armées. Si, au moment de la création du Centre, le Dr. DUPUY
était assisté de 10 anciens médecins militaires retraités, il y a
actuellement 220 Médecins et Dentistes (dont 9 anciens militaires),
représentant la plupart des spécialités, sauf la Neuro-Chirurgie .
En incluant les actes para-médicaux, le Centre enregistre environ
800 000 passages par an.
LE
14 MARS 2020,
COMPTE TENU DU CONSTAT
DE LA CIRCULATION DU VIRUS ET DE SA TRANSMISSION POSSIBLE SUR
L'ENSEMBLE DU TERRITOIRE, LA
PHASE 3 DE L'EPIDEMIE EST DECLENCHEE
PAR LE GOUVERNEMENT ET LE
17 MARS LE STADE DE CONFINEMENT EST DECRETE.
Dès lors, le C.M.E. s'est ré-organisé, pour être en mesure de
prendre en charge l'évaluation et le traitement des cas de Covid-19,
en se dotant d'un local ambulatoire totalement dédié "
Coronavirus ", hermétiquement isolé du reste des services,
pour les prélèvements naso-pharyngés RT-PCR. Dans le même temps,
les consultations en "présentiel" sont
réduites essentiellement à la Médecine Générale, lorsqu'elles
sont indispensables, afin de prévenir la circulation du virus parmi
les patients, habituellement très nombreux en consultation, et parmi
le personnel indispensable au fonctionnement du Centre dans sa
nouvelle configuration.
LA
DECOUVERTE DE LA TELECONSULTATION (
T.C. ) - malheureusement
sans vidéo que le Centre n'est pas parvenu à mettre au point - est
un exercice nouveau pour moi, habitué à manipuler le stéthoscope,
le tensiomètre, le marteau à réflexes et à examiner physiquement
les patients.
Elle
se déroule ainsi : les
patients s'inscrivent par téléphone comme pour un R.V. habituel
auprès de notre centre d'appel en fournissant leur n° de téléphone,
pour être rappelés par le médecin consultant, et une adresse mail,
s'ils en disposent,
pour la
télétransmission des divers documents : ordonnances de médicaments,
examens complémentaires, arrêts de travail,
lettres de
correspondances auprès de spécialistes, voire d'hospitalisation.
Les patients âgés ou étrangers ne disposant pas en général de
messagerie reçoivent ces documents par la Poste, souvent avec retard
du fait de la réduction des jours de levées et de distribution lors
du confinement ; pour tous, les ordonnances de médicaments peuvent
être également adressées à la pharmacie dont les coordonnées
nous ont été communiquées.
EN
PRATIQUE,
dès l'ouverture de mon ordinateur, apparaît la liste des patients,
majoritairement inscrits en T.C. et celle plus réduite de ceux
présentant un cas particulier médical ou administratif exposé au
Médecin filtreur, en attente à l'entrée du Centre, qui évalue la
nécessité ou pas d'une consultation en PRESENTIEL : la consultation
d'un patient masqué, ganté et orienté vers son médecin peut
débuter. A partir des symptômes réputés pathognomoniques du
Sars-cov2, l'Agence Régionale de Santé (A.R.S.) a défini un arbre
décisionnel très utile permettant de catégoriser 4 sortes de
patients :
*
LES
PLUS NOMBREUX sont
des patients cherchant à se rassurer sur la nature de leurs
symptômes suspectés par eux covid
à partir des nombreuses émissions "Radio/Télé" en
continu les décrivant en détail par le "menu". A chacun
d'eux, une documentation écrite de recommandations-patients adultes,
validée par l'A.R.S., est systématiquement envoyée, au cas où,
avec les n° de téléphone dédiés : le
15 ou le
00 130 800 00.
*
PUIS
LES PATIENTS SUSPECTS COVID+ mais
sans symptômes de gravité (Toux,
Gêne respiratoire, Fièvre...) ni co-morbidités (Obésité,
Diabète, Pathologies respiratoires chroniques, Antécédents
cardio-vasculaires, Age avancé ...), sont invités à demeurer à
leur domicile, confinés, protégés, sans Test PCR par défaut
épisodique de réactifs, mis en arrêt de travail 14 jours pour ceux
en activité et pourvus de la "Fiche Recommandations patient
adulte à domicile ".
*
LES
PATIENTS FORTEMENT SUSPECTS COVID OU + AU TEST PCR et
présentant les signes de gravité indiqués
supra sont dirigés vers le Centre 15 pour une hospitalisation ou
hospitalisés directement par nos soins lorsque le 15 débordé ne
répondait pas grâce à une liste d'ambulances dont nous avons les
coordonnées téléphoniques .
*
LA
DERNIERE CATEGORIE de
consultations concerne
des patients demandant un avis médical pour une pathologie courante,
le renouvellement d'ordonnances pour des pathologies chroniques, la
prescription d'antalgiques de palier 3 délivrés sur des ordonnances
sécurisées pour des cancers évolutifs très algiques .
REMARQUE
: Aux
demandes plus ou moins associées des Autorités sanitaires, des
patients et des employeurs, le nombre d'arrêts de travail tendant à
réduire la transmission du virus a explosé.
LIMITES
DE LA TELECONSULTATION
Sans être cliniquement
idéale la T.C. couplée à la vidéo peut être validée, par défaut
d'autre choix, dans des situations particulières telle celle dictée
par l'actuelle pandémie. Elle est justifiée dans les spécialités
comportant l'interprétation d'images ou de résultats d'examens
complémentaires télétransmis (Dermatologie, Imagerie, Bilans
biologiques, etc...). Elle ne saurait, à mon sens, remplacer une
consultation en présentiel en Médecine Générale et diverses
autres Spécialités nécessitant un examen clinique et le contrôle
objectif des paramètres physiologiques mesurés.
REMARQUES
:
*
Combien de fois ai-je entendu, en consultation "normale",
des patients venus exposer divers symptômes ressentis (Fièvre,
problèmes cardio-pulmonaires...) non retrouvés au moment de
l'examen clinique convenablement réalisé, ce que la T.C. ne permet
pas. Deux exemples parmi d'autres récemment vécus au téléphone :
des otalgies (impossibles à diagnostiquer sans otoscopie), une
douleur abdominale (exigeant une palpation) !
*
La T.C. est indispensable et pratiquée depuis de nombreuses années
dans toutes les situations où les personnels concernés se trouvent
en positions d'isolement, éloignés des structures de soins
convenablement dotées en
personnels formés et en matériels, à condition qu'en " bout
de chaîne " il y ait un médecin ou un Infirmier capable de
suivre les conduites à tenir avec les moyens à sa disposition. Il y
a aussi le cas des volontaires des missions scientifiques, en séjour
de 12 à 24 mois aux Terres Australes et Antarctiques Françaises
(T.A.A.F.), des marins participant à la Course à la voile autour du
monde, des spationautes plusieurs mois en orbite dans la Station
Spatiale Internationale ( I.S.S. ), etc ...
ENSEIGNEMENTS DE LA
T.C.
*
Réduction importante
du nombre de patients habituellement suivis pour des maladies
chroniques, parfois déséquilibrées car mal contrôlées du fait de
la sédentarité contrainte, de la modification de l'hygiène
alimentaire, du stress et de la crainte d'une contamination covid
lors d'une consultation au Centre qui, en présentiel, était de
toutes façons réduite.
*
Je constate également que, depuis la fin du confinement, le 11 mai
2020, un certain nombre de patients continuent à prendre R.V. en
T.C. alors qu'ils peuvent désormais venir consulter au Centre. Une
Explication possible à cette démarche, peut-être temporaire, celle
de la commodité
: COMPREHENSIBLE
pour la
patientèle d'origine étrangère défavorisée, majoritaire parmi
les consultants, du fait de l'éloignement de leur domicile et de la
réduction importante des transports collectifs durant la période de
confinement.
DE
NATURE DIFFERENTE pour
la patientèle plus favorisée considérant, pour une partie d'entre
elle, la Médecine, comme un bien de consommation reposant sur une
demande d'examens complémentaires inutiles, de médicaments hors
indications suggérés par un parent, un ami ou une émission de
vulgarisation "mal digérée".
DANS
LE MEME TEMPS,
j'ai entendu
certains de mes confrères ou consoeurs, souhaiter dans la mesure du
possible la poursuite de la T.C., rejoignant ainsi l'état d'esprit
des patients privilégiant ce mode de consultation la plus brève
sans devoir se déplacer. "Time is Money " ? DERNIERE
HYPOTHESE CONCERNANT LES MEDECINS :
les conditions
pratiques de cette nouvelle expérience médicale m'ont permis de
constater que la T.C. est plus confortable car les patients, étant
en attente chez eux, acceptent davantage d'être appelés avec retard
ce qui n'est pas le cas en salle d'attente au cabinet, en particulier
avec les hypochondriaques difficiles à rassurer, les psychopathes,
grands consommateurs de temps médical, etc … J’ai constaté
également que certains patients inscrits en T.C. étaient absents de
leur domicile lorsque je les appelais me contraignant à rappeler
plusieurs fois pour tenter de les joindre avant d’annuler la
consultation lorsque la communication n’était pas possible.
MES REFLEXIONS NON
CONCLUSIVES SUR CETTE PANDEMIE NOUVELLE EN COURS D'EVOLUTION.
"
La critique est aisée mais l'Art est difficile "
(Notamment
l'art médical).
*
Les mondes Médical et Politique ne sont pas dans la même
temporalité vis à vis d'une pandémie nouvelle :
le
Premier,
relevant " en même temps " de la science, de l'art et d'un
certain pragmatisme, nécessite du temps long ponctué d'erreurs
d'analyse avant de cerner la vérité, parfois temporaire car remise
en cause au fil des ans.
Le Second,
dont le pouvoir est limité par les échéances électorales
rapprochées, dispose de peu de temps pour décider sans que la
médecine soit en mesure de lui fournir les clés de la bonne
décision faute de connaissances validées .
*
"Les conseilleurs n'étant pas les payeurs " (de revers
politiques !), le médecin doit se garder d'entrer dans le champ
politique en cherchant à faciliter une décision politique par son
statut de "sachant" sur des connaissances médicales encore
incertaines.
* Il est prématuré
d'établir les responsabilités politiques et médicales dans la
gestion hexagonale de cette pandémie avant son terme. Elles seront
indispensables à son issue.
*
Il devrait être possible d'appliquer à la gestion
préventive de la santé la
locution guerrière : "Si
tu veux la paix prépare la guerre"
en la remplaçant par : " SI
VIS SANITAS PARA SUBSIDIIS
" (si tu veux
préserver l'état sanitaire du pays, prépare des réserves).
Même si chacun de nous peut déplorer les gaspillages,
la santé a un coût notamment en matière préventive, le parent
pauvre de notre système de soins.
A ce niveau, décidément marqué (déformé?) par 38 ans sous les
drapeaux, permettez-moi un
rapprochement osé entre
la “dissuasion nucléaire”
de notre pays - une arme
de non emploi -, qui a prévenu le retour des grands conflits
symétriques du passé (pourvoyeurs de millions de morts) mais pas la
dissymétrie du terrorisme, et
un barbarisme, "la
dissuasion sanitaire (= sécurité)"
nécessitant, non
seulement au niveau du pays mais au plan européen, une Réserve
Sanitaire en équipements
et le retour de la fabrication des médicaments stratégiques en
Europe (sachant, à titre d'exemple, que la fabrication du
PARACETAMOL et de la PLUPART DES ANTIBIOTIQUES est
extra-européenne !). Cette relocalisation Européenne de la
production de médicaments aura forcément un surcoût devant être
simultanément accepté par la population et le pouvoir politique.
Cela est essentiel à intégrer car, il est permis d’avoir un doute
sur la réalisation de ce souhait, sauf à la marge, par défaut de
volonté des laboratoires dont ce n’est pas l’intérêt et des
possibilités techniques rapides d’adaptation de l’outil de
production.
Et
pourtant, compte tenu de la récurrence de plus en plus rapprochée
des Pandémies, Catastrophes naturelles, climatiques, Terrorisme ....
ces 40 dernières années, l'Europe en général et la France en
particulier doivent se préparer prospectivement et collectivement à
les gérer dès le temps de "calme sanitaire" en se dotant
de moyens prépositionnés. Ils ne serviront peut-être pas, devant
être renouvelés, reformatés à l'échéance de péremption, sans
avoir été utilisés mais leur besoin est incontournable .
C'est
le prix à payer pour
la SECURITE SANITAIRE DU PAYS A COURT, MOYEN et LONG TERME.
Gardons
en tout cas à l’esprit que, par la polymorphie des symptômes
présentés, leur disparition puis leur récurrence pendant de
nombreuses semaines qui peuvent déstabiliser certains patients et
nécessiter un soutien psychologique, le Sars-cov2, que Jean-François
DELFRAISSY qualifie de “saleté”, est loin d’avoir livré tous
ses secrets !!!
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Merci, Bernard, de cet article aussi complet qu'éclairant!
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