Clément-César était invité à tous les dîners ; il n'en manqua qu'un à cause de ses obligations militaires. Au début, le fameux plan de table de la Marquise ne le plaçait pas toujours près d'Augustine, tous deux en étaient si visiblement contrariés qu'elle décida de ne plus les séparer, plan de table ou pas. Quelques dîners après, Clément-César ,en grand uniforme, demandait la main d'Augustine à la Marquise, sa marraine et tutrice, qui la lui accorda, le tenant en haute estime, parfaite courtoisie et belle prestance (ce qui ne gâte rien), mais exigea au moins six mois de fiançailles sinon plus. Six mois, autant dire une éternité pour Augustine et Clément-César, mais la Marquise savait que le temps allait passer vite, trop vite... se doutaient-ils seulement les tourtereaux de l'organisation, attentive aux moindres détails, que nécessitait dans leur monde l'organisation d'une pareille journée ? La plus belle de leur vie, avec celles de la naissance de leurs futurs enfants. Les enfants, mais on n'en était pas là ! Un kaléidoscope tournait dans sa tête jusqu'au vertige, la migraine... Ah non, pas le temps, il fallait garder les idées bien claires, elle récapitula : les fiançailles (réception assez intime mais pas trop), le trousseau à faire broder, les toilettes de la mariée (les siennes aussi), les faire-part, la décoration florale de l'église de la Madeleine, les choeurs, la marche nuptiale, le voyage de noces, non,ce serait leur choix. Et cette impression d'oublier quelque chose d'important, mais oui, le contrat que dresserait la veille du mariage Maître Louis de Greppole, ami de son père, son notaire avisé et dévoué qui avait toute sa confiance. Elle l'appela aussitôt (bien pratique quand même ce téléphone) et obtint, grande faveur, un rendez-vous pour le surlendemain.
Maître de Greppole fut, comme à l'accoutumée, aimable et précis : pour que le ménage ait un niveau de vie décent, la future épouse d'un officier devait obligatoirement être dotée, apporter en se mariant un revenu potentiel. En 1808, le montant de cet apport minimum avait été fixé à 600 francs de rente, puis un arrêté de 1843, a décidé que la future épouse devait apporter 1200 francs de rente, soit un capital de 24 000 francs, faute de quoi ses supérieurs refuseraient l'autorisation nécessaire pour se marier. La somme étant assez conséquente, Maître de Greppole expliqua à la Marquise qu'il allait, dans un premier temps, inventorier les bien propres d'Augustine hérités de ses parents : le manoir décrépit ou elle était née, gardé par un vieux jardinier et sa femme, deux fermes de peu de rapport, une vigne bien placée mais négligée, une forêt... Assez peu en vérité, mais il fallait quand même aller y voir de près.
Le sachant passionné de généalogie, la Marquise lui raconta l'histoire, jamais élucidée, de la parente, main droite main gauche, de feu la mère d'Augustine avec sa famille. Enfin, ils convinrent de se revoir dans une dizaine de jours.
... (à suivre)
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