jeudi 18 mars 2021

Autour du livre de JDM... [ch. 6 : Camille CLAUDEL]

6ème extrait

Dans le frais petit matin parisien de l’hiver 1883, Camille et son amie Jessie, recommandées à Rodin par son ami le sculpteur Alfred Boucher en partance pour l’Italie car il a obtenu un prix au Salon de 1881, se dirigent vers le Dépôt des Marbres, vaste local où Rodin a eu l’autorisation de s’installer sur plusieurs centaines de mètres carrés pour l’exécution de la grande commande de "La Porte de l’Enfer", qui mobilise un personnel important.


Sans doute Camille éprouve-t-elle le choc de sa vie. L’immense atelier est encombré de fragments d’œuvres en marbre, où les "Antiques" voisinent avec les ébauches du sculpteur. Si Rodin n’a encore acquis qu’une petite partie de ce qui va devenir une immense collection d’antiques, atteignant le nombre incroyable de six mille quatre cents à la fin de sa vie, ce que Camille découvre ce jour-là a de quoi l’éblouir : en grand nombre, mains, pieds, torses et bassins, originaux provenant de fouilles effectuées en Italie et en Grèce, ou produits de moulages, ou essais d’élèves. Le bruit est intense, car plusieurs personnes travaillent dans cette grande salle : perché sur une échelle, à deux mètres de hauteur, un plasticien dégrossit avec pic et ciseau un grand bloc de marbre ; des aides polissent une sculpture, auréolés par un nuage de poussière de calcaire, qui la prend à la gorge; des "fantômes" de temps en temps surgissent : ce sont des ébauches de statues recouvertes de draps tenus constamment humides, car le plâtre ne doit pas sécher en attendant que l’on revienne vers ce travail. Soudain dans cet univers fantastique, une petite porte curieusement marquée d’un "M" s’ouvre, et la silhouette massive et trapue du Maître apparaît, couronnée d’une épaisse crinière…

Certainement en proie à de vives émotions dans cet atelier, Mademoiselle Claudel se jette dans le travail ; rien ne la rebute, ni les menues tâches du début, ni les horaires déments qu’elle s’inflige, car, en plus de ses travaux pour Rodin, elle va aussi essayer de travailler dans son propre atelier pour ses propres œuvres. Active et précise, assise sur sa petite chaise, elle modèle pieds ou mains avec ardeur et rapidité ; de temps en temps, de la barbe rousse qui la surplombe, sortent quelques mots appréciateurs du Maître. Celui-ci réalise très vite qu’il a devant lui quelqu’un d’exceptionnel ; Camille va devenir dès 1884 son modèle, puis son inspiratrice, sa muse. En même temps, Auguste Rodin s’enflamme pour son égérie… 

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