6ème
extrait
Dans
le frais petit matin parisien de l’hiver 1883, Camille et son amie
Jessie, recommandées à Rodin par son ami le sculpteur Alfred
Boucher en partance pour l’Italie car il a obtenu un prix au Salon
de 1881, se dirigent vers le Dépôt des Marbres, vaste local où
Rodin a eu l’autorisation de s’installer sur plusieurs centaines
de mètres carrés pour l’exécution de la grande commande de "La
Porte de l’Enfer", qui mobilise un personnel important.
![](https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEiL_gUCHsXChaAqA3YlkjKw7B0_9rhX3MpSBvnO7G31TJLmMcAdqqLSPxzII2I5wEPmUpNcF5OfV9PKBYqd7Qo7j0y5_vjeHIIuf-rOezhuXiI5rpT0_FWXARjK7rRKHf7XMbvkmOmXjUA/s320/extrait+6.jpg)
Sans
doute Camille éprouve-t-elle le choc de sa vie. L’immense atelier
est encombré de fragments d’œuvres en marbre, où les
"Antiques" voisinent avec les ébauches du sculpteur.
Si Rodin n’a encore acquis qu’une petite partie de ce qui va
devenir une immense collection d’antiques, atteignant le nombre
incroyable de six mille quatre cents à la fin de sa vie, ce que
Camille découvre ce jour-là a de quoi l’éblouir : en grand
nombre, mains, pieds, torses et bassins, originaux provenant de
fouilles effectuées en Italie et en Grèce, ou produits de moulages,
ou essais d’élèves. Le bruit est intense, car plusieurs
personnes travaillent dans cette grande salle : perché sur une
échelle, à deux mètres de hauteur, un plasticien dégrossit avec
pic et ciseau un grand bloc de marbre ; des aides polissent une
sculpture, auréolés par un nuage de poussière de calcaire, qui la
prend à la gorge; des "fantômes" de temps en temps
surgissent : ce sont des ébauches de statues recouvertes de
draps tenus constamment humides, car le plâtre ne doit pas sécher
en attendant que l’on revienne vers ce travail. Soudain dans cet
univers fantastique, une petite porte curieusement marquée d’un
"M" s’ouvre, et la silhouette massive et trapue du
Maître apparaît, couronnée d’une épaisse crinière…
Certainement
en proie à de vives émotions dans cet atelier, Mademoiselle Claudel
se jette dans le travail ; rien ne la rebute, ni les menues
tâches du début, ni les horaires déments qu’elle s’inflige,
car, en plus de ses travaux pour Rodin, elle va aussi essayer de
travailler dans son propre atelier pour ses propres œuvres. Active
et précise, assise sur sa petite chaise, elle modèle pieds ou mains
avec ardeur et rapidité ; de temps en temps, de la barbe rousse
qui la surplombe, sortent quelques mots appréciateurs du Maître.
Celui-ci réalise très vite qu’il a devant lui quelqu’un
d’exceptionnel ; Camille va devenir dès 1884 son modèle,
puis son inspiratrice, sa muse. En même temps, Auguste Rodin
s’enflamme pour son égérie…
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