mercredi 3 mars 2021

Une "histoire" des lecteurs (suite)

Maître de Greppole entretenait d'excellentes relations avec des confrères installés dans les départements proches et même au-delà (à charge de revanche). Cela lui permit de présenter à la Marquise une estimation assez précise des travaux indispensables à la sauvegarde des biens de sa pupille.

Le toit du vieux manoir devait être entièrement refait, trop d'ardoises manquaient qui laissaient passer l'eau de pluie, traversant les combles, elle avait taché les murs de moisissures et abîmé le beau parquet d'une chambre. Les poutres, en chêne multicentenaire, étaient intactes. Les fondations, les murs, de plus d'un mètre d'épaisseur, défieraient les siècles. L'ameublement laissait beaucoup à désirer, quelques beaux meubles devraient être revernis. Les fermes avaient assez bien résisté à l'usure du temps, le matériel agricole vétuste , le cheptel inexistant, mais les terres étaient fertiles : à blé, à maraîchage, à vergers ; dans moins d'un an, avec un peu d'élevage, elles rapporteraient. La vigne était la pépite de l'héritage, idéalement placée dans les collines du Sancerrois, dévastée par le phylloxera, abandonnée depuis le décès du père d'Augustine, la meilleure façon de la sauver était de la greffer, sans tarder, sur les  nouveaux plants américains. La forêt de chênes, hautement prisés par les tonneliers, avait beaucoup souffert du manque total d'entretien, mais créer des éclaircies pour donner de la place à de beaux arbres, abattre ceux âgés de soixante-quinze ans et plus, ne serait pas trop onéreux.

Maître de Greppole avait, grâce à ses relations sélectionné les meilleures entreprises et les personnes aptes à mener à bien ces différents travaux. Les devis, si la  Marquise le désirait, lui seraient soumis dans les meilleurs délais.

Puis, il lui fit la surprise de l'arbre généalogique d'Augustine, il n'y avait rien "de la main gauche" dans la parente de feue sa mère avec la famille de la Marquise, c'était un peu compliqué... Au XIXe siècle, la majorité matrimoniale était de 25 ans pour un homme et de 21 ans pour une femme selon l'article 148 du code civil napoléonien (1804) : " Le fils qui n'a pas atteint l'âge de vingt-cinq ans accomplis, la fille qui n'a pas atteint l'âge de vingt-et-un ans accomplis, ne peuvent contracter mariage sans le consentement de leurs père et mère ; en cas de dissentiment le consentement du père suffit".

Mais même plus âgés, les jeunes gens qui désiraient se marier devaient notifier aux parents le projet par un acte notarié : "acte respectueux" ou "acte de respect". En cas de refus, la demande devait  être renouvelée deux fois. À l'issue de cette procédure légale, même à défaut de consentement le mariage pouvait être célébré un mois après la dernière notification. Si le garçon avait plus de 30 ans, ou la fille plus de 25 ans, un seul acte respectueux suffisait.

Une Grand-tante de la Marquise, veuve, avait refusé, à plusieurs reprises, de donner son assentiment au mariage d'un de ses fils. Il avait donc dû le renouveler. Par la suite, il avait quitté la région avec son épouse et n'avait plus revu sa famille.

Maître de Greppole avait eu la chance de trouver ces "actes respectueux" ou "actes en brevet" dans des archives privées : en clair, les notaires mentionnaient l'acte dans leur répertoire mais donnaient l'original à la partie concernée.

La Marquise le remercia chaleureusement et l'embrassa de bon cœur.

(à suivre ?)

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