jeudi 1 avril 2021

Autour du livre de JDM... [ch. 6 : Camille CLAUDEL]

 10ème extrait



Pourtant les orages éclatent déjà en cette période qui semble le début de l’émancipation de Camille. Témoins ces quelques extraits d’une lettre fleuve que Rodin adresse à la jeune fille, et que l’on a datée en définitive d’avant 1886, lettre assez décousue mais qui en dit long sur le désespoir du sculpteur, sans doute après une scène violente où Camille, peut-être, tente de lui échapper : 

"Ma féroce amie, ma pauvre tête est bien malade, et je ne puis plus me lever le matin. Ce soir j’ai parcouru sans te trouver, nos endroits. Que la mort me serait douce ! Et comme mon agonie est longue. Pourquoi ne m’as-tu pas attendu à l’atelier ? Où vas-tu ? À quelle douleur j’étais destiné… Camille ma bien aimée… Pourquoi ne me crois-tu pas ? J’abandonne mon Salon, la sculpture ; si je pouvais aller n’importe où, un pays où j’oublierai, mais il n’y en a pas… en un seul instant, je sens ta terrible puissance. Aie pitié méchante. Je n’en puis plus. Je ne puis plus passer un jour sans te voir… C’est fini, je ne travaille plus, divinité malfaisante, et pourtant je t’aime avec fureur… Je suis déjà mort et je ne comprends plus le mal que je me suis donné pour des choses qui me sont si indifférentes maintenant. Laisse-moi te voir tous les jours… Car toi seul peut me sauver par ta générosité… Près de toi mon âme existe avec force… Ne me traite pas impitoyablement je te demande si peu… Je ne regrette rien… Mon âme a eu sa floraison, tardive hélas. Il a fallu que je te connaisse et tout a pris une vie inconnue, ma terne existence a flambé dans un feu de joie. Merci car c’est à toi que je dois la part de ciel que j’ai eue dans ma vie… Dans quelle ivresse je vis quand je suis auprès de toi…Ta main Camille, pas celle qui se retire, pas de bonheur à la toucher si elle ne m’est le gage d’un peu de ta tendresse… Ma très bonne, à deux genoux devant ton beau corps que j’étreins. R".

Que se passe-t-il entre ces deux êtres, pendant les semaines, les mois qui suivent ? En tous cas il subsiste de cette année-là un document curieux, traditionnellement appelé "Le Contrat", laissant encore plus perplexe que la lettre précédente sur la nature de leurs relations...

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