Juin
(Pour Christian...)
Les
prés ont une odeur d'herbe verte et mouillée,
Un frais soleil
pénètre en l'épaisseur des bois,
Toute chose étincelle, et la
jeune feuillée
Et les nids palpitants s'éveillent à la
fois.
Les cours d'eau diligents aux pentes des
collines
Ruissellent, clairs et gais, sur la mousse et le thym
;
Ils chantent au milieu des buissons d'aubépines
Avec le vent
rieur et l'oiseau du matin.
Les gazons sont tout pleins de
voix harmonieuses,
L'aube fait un tapis de perles aux sentiers,
Et
l'abeille, quittant les prochaines yeuses,
Suspend son aile d'or
aux pâles églantiers.
Sous les saules ployants la vache
lente et belle
Paît dans l'herbe abondante au bord des tièdes
eaux ;
La joug n'a point encor courbé son cou rebelle,
Une
rose vapeur emplit ses blonds naseaux.
Et par delà le fleuve
aux deux rives fleuries
Qui vers l'horizon bleu coule à travers
les prés,
Le taureau mugissant, roi fougueux des prairies,
Hume
l'air qui l'enivre, et bat ses flancs pourprés.
La Terre rit,
confuse, à la vierge pareille
Qui d'un premier baiser frémit
languissamment,
Et son oeil est humide et sa joue est
vermeille,
Et son âme a senti les lèvres de l'amant.
O
rougeur, volupté de la Terre ravie !
Frissonnements des bois,
souffles mystérieux !
Parfumez bien le coeur qui va goûter la
vie,
Trempez-le dans la paix et la fraîcheur des cieux !
Assez
tôt, tout baignés de larmes printanières,
Par essaims éperdus
ses songes envolés
Iront brûler leur aile aux ardentes
lumières
Des étés sans ombrage et des désirs troublés.
Alors
inclinez-lui vos coupes de rosée,
O fleurs de son Printemps, Aube
de ses beaux jours !
Et verse un flot de pourpre en son âme
épuisée,
Soleil, divin Soleil de ses jeunes amours !
Charles-Marie
LECONTE DE LISLE
1818 - 1894
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