Savoir vieillir
Vieillir,
se l’avouer à soi-même et le dire,
Tout haut, non pas pour
voir protester les amis,
Mais pour y conformer ses goûts et
s’interdire
Ce que la veille encore on se croyait permis.
Avec
sincérité, dès que l’aube se lève,
Se bien persuader qu’on
est plus vieux d’un jour.
À chaque cheveu blanc se séparer
d’un rêve
Et lui dire tout bas un adieu sans retour.
Aux
appétits grossiers, imposer d’âpres jeûnes,
Et nourrir son
esprit d’un solide savoir ;
Devenir bon, devenir doux,
aimer les jeunes
Comme on aima les fleurs, comme on aima l’espoir.
Se
résigner à vivre un peu sur le rivage,
Tandis qu’ils vogueront
sur les flots hasardeux,
Craindre d’être importun, sans devenir
sauvage,
Se laisser ignorer tout en restant près d’eux.
Vaquer
sans bruit aux soins que tout départ réclame,
Prier et faire un
peu de bien autour de soi,
Sans négliger son corps, parer surtout
son âme,
Chauffant l’un aux tisons, l’autre à l’antique
foi,
Puis
un jour s’en aller, sans trop causer d’alarmes,
Discrètement
mourir, un peu comme on s’endort,
Pour que les tout petits ne
versent pas de larmes
Et qu’ils ne sachent pas ce que c’est
que la mort.
François Fabié, Ronces et lierres
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Nos
Bagues
La rafale est passée et les Poilus bien vite
Sans
souci des obus, une pioche à la main,
Bondissent des abris dans
un trou de marmite
Pour retrouver au fond le blanc métal
germain!
Et puis, dans l'atelier dans un coin des
tranchées,
Quelques menus outils, une lime, un marteau,
Pour
polir nuit et jour ces bagues guillochées,
Hier... instrument de
mort, aujourd'hui... humble anneau.
La bague est terminée et
demain bonnes mères,
Femmes, petites sœurs, ces bijoux des
frontières
Terniront à vos doigts vos plus riches joyaux!
...
Car, toutes, vous saurez combien de moments tristes,
De
soucis, de dangers, vos chers Poilus Artistes
Ont vécus pour
faire... au fond de leurs boyaux.
André Soriac
(Poilu au 277e régiment d'infanterie Tranchée de Lorraine)
magnifiques poèmes!
RépondreSupprimerLimpia