jeudi 31 mars 2022

La "poésie" du jeudi...

 

 
Mistral à Arles. Lebrecht Authors / Bridgeman Images
 

Je t'aime ô jeune fille enchanteresse,
(au point) que si tu disais : Je veux une étoile
il n'est traversée de mer, ni bois, ni torrent fou
il n'est ni bourreau, ni feu, ni fer
qui m'arrêtât ! Au bout des pics
touchant le ciel j'irais la prendre,
et, Dimanche, tu l'aurais appendue à ton cou.

Mais, ô la plus belle ! plus je te contemple,
plus, hélas ! je m'éblouis !...
Je vis un figuier, une fois, dans mon chemin,
cramponné à la roche nue
contre la grotte de Vaucluse :
si maigre, le pauvre ! qu'aux lézards-gris
donnerait plus d'ombre une touffe de jasmin !

Vers ses racines une fois par an,
vient clapoter l'onde voisine ;
et l'arbuste aride, à l'abondante fontaine
qui monte à lui pour le désaltérer,
autant qu'il veut, se met à boire...
Cela toute l'année lui suffit pour vivre.
Comme la pierre à la bague à moi cela s'applique.

Car je suis, Mireille, le figuier,
et toi, la fontaine et la fraîcheur !
Et plût-au-ciel, moi pauvret ! plût-au-ciel une fois l'an,
que je pusse, à genoux comme à présent,
me soleiller aux rayons de ton visage,
et surtout que je pusse encore
t'effleurer les doigts d'un petit baiser tout tremblant !

Extrait de Mireille, de Frédéric Mistral.

 
 
Paul Verlaine. Photo Archivio GBB / Bridgeman Images
 

Il pleure dans mon cœur
Comme il pleut sur la ville ;
Quelle est cette langueur
Qui pénètre mon cœur ?

Ô bruit doux de la pluie
Par terre et sur les toits !
Pour un cœur qui s'ennuie,
Ô le chant de la pluie !

Il pleure sans raison
Dans ce cœur qui s'écœure.
Quoi ! nulle trahison ?…
Ce deuil est sans raison.

C'est bien la pire peine
De ne savoir pourquoi
Sans amour et sans haine
Mon cœur a tant de peine !

Paul Verlaine
Romances sans paroles (1874)

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