Berceuse
Endormons-nous,
petit chat noir.
Voici que j'ai mis l'éteignoir
Sur la
chandelle.
Tu vas penser à des oiseaux
Sous bois, à de félins
museaux...
Moi rêver d'Elle.
Nous
n'avons pas pris de café,
Et, dans notre lit bien chauffé
(Qui
veille pleure.)
Nous dormirons, pattes dans bras.
Pendant que
tu ronronneras,
J'oublierai l'heure.
Sous
tes yeux fins, appesantis,
Reluiront les oaristys
De la
gouttière.
Comme chaque nuit, je croirai
La voir, qui froide a
déchiré
Ma vie entière.
Et
ton cauchemar sur les toits
Te dira l'horreur d'être trois
Dans
une idylle.
Je subirai les yeux railleurs
De son faux cousin,
et ses pleurs
De crocodile.
Si
tu t'éveilles en sursaut
Griffé, mordu, tombant du haut
Du
toit, moi-même
Je mourrai sous le coup félon
D'une épée au
bout du bras long
Du fat qu'elle aime.
Puis,
hors du lit, au matin gris,
Nous chercherons, toi, des souris
Moi,
des liquides
Qui nous fassent oublier tout,
Car, au fond,
l'homme et le matou
Sont bien stupides.
Charles Cros
Extrait de : Le coffret de santal (1873)
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