vendredi 17 mars 2023

MUSÉE du "carédar"... [BAYA-La Dame aux Roses_1967]

BAYA (1931-1998)
"La Dame aux Roses"_1967
Gouache, crayon noir sur papier. (101 cm X 152 cm)
Musée de l'Institut du Monde Arabe (IMA), Paris.

"carédar-545"

Commentaire de l'œuvre :

"La Dame aux Roses" _ Orpheline, en marge d'une vie toute tracée, Baya crée un univers féerique qui lui ressemble. L'œuvre de Baya prolonge le rêve émerveillé d'une enfance heureuse. Pour cela, elle puise dans l'inconscient collectif. Les formes stylisées, les motifs en aplats, la vision synthétique d'un environnement choisi faussent toute symétrie et déroutent notre perception. L'univers représenté ici est onirique et joyeux. La femme accompagnée d'oiseaux a été son thème de prédilection.


Baya en 1947 à Paris.
Magazine Vogue, février 1948.

Orpheline de père à 6 ans, de mère à 9 ans, Fatma Haddad (1931-1998) – elle se choisira très tôt elle-même le nom d'artiste de BAYA –, est remarquée à l’âge de onze ans par Marguerite Caminat, une femme venue en Algérie en 1940 pour fuir la France occupée. Celle-ci prend l’enfant sous son aile, embauche une institutrice qui lui apprend à lire et à écrire – tout en l'encourageant à conserver et à développer son patrimoine culturel algérien auprès de familles musulmanes de ses amis –, et c’est chez elle, avec ses pinceaux et couleurs, que Baya se met à peindre. Le galeriste Aimé Maeght, qui avait découvert son talent au cours d’un voyage à Alger, lui organise une première grande exposition à Paris dès 1947 : Baya éblouit les amateurs d’art et entre de plain-pied sur la scène artistique, légitimée par de grands personnages tutélaires dont André Breton – non sans ambivalence, entre curiosité pour une artiste en devenir et paternalisme, en une approche de l’altérité empreinte d’orientalisme. Dès l'été 1948, Baya revient en France pour réaliser des sculptures ; sa créativité dans le travail de l’argile est remarquée par Picasso, dans l’atelier de céramique Madoura de Vallauris.

Grâce à sa mère adoptive et à d’autres soutiens influents dont le poète Jean Sénac, Baya demeure sur la scène artistique jusqu’à la période de la guerre d’Indépendance (1954-1962). Mariée en 1953 au musicien El Hadj Mahfoud Mahieddine, elle s’arrête de peindre pour se consacrer à sa vie familiale (elle aura six enfants). En 1962, et c’est sans doute le plus remarquable après ce "retour à l’ordre", elle trouvera la force de reprendre son travail artistique, avec l’aide primordiale du peintre Jean de Maisonseul, nouveau directeur du musée national des Beaux-Arts d’Alger, qui expose ses œuvres dès 1963 et en acquiert certaines qui font encore la fierté de ce musée.

Malgré sa personnalité discrète, contrastant avec une scène artistique tumultueuse qui opposait à Alger différents courants et leurs représentants, Baya fraya son propre chemin, en participant à des expositions collectives et en bénéficiant de nombreuses expositions personnelles, principalement dans la capitale, où elle montra ses œuvres presque tous les ans. Elle fut en 1967 de l’aventure du groupe Aouchem (Tatouages), fondé par Choukri Mesli et Denis Martinez, qui entendait connecter l’art contemporain aux sources de l’art africain et au répertoire formel transmis par les arts populaires du Maghreb. Consacrée comme l’une des pionnières de l’art algérien, elle obtint en 1969 le Grand Prix de peinture de la ville d’Alger. Baya continua de travailler en faisant évoluer sa peinture, et sa production prolifique fut appréciée à l’international.

© Anissa Bouayed pour le texte Baya, vie et œuvre

Catalogue de l'exposition : © Editions IMA, éditions CLEA, éditions Barzakh, Images Plurielles, Paris/Marseille/Alger, 2022
Note des éditeurs : Les opinions exprimées dans cet ouvrage n’engagent que leurs auteurs.

''Les mots pour par­ler de Baya sont sou­vent pié­gés, car ils res­sassent l’idée du miracle ini­tial ou qua­li­fient son art d’art naïf. L’un obère toute réelle his­to­ri­cité au regard de sa tra­jec­toire et l’autre empêche de voir la sin­gu­la­rité de son art, son raf­fi­ne­ment, ses évo­lu­tions, sa dimen­sion spi­ri­tuelle.'' Anissa Bouayed

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