Chanson
Si
je perds bien des maîtresses,
J'en fais encor plus souvent,
Et
mes vœux et mes promesses
Ne sont que feintes caresses,
Et mes
vœux et mes promesses
Ne sont jamais que du vent.
Quand je
vois un beau visage,
Soudain je me fais de feu ;
Mais longtemps
lui faire hommage,
Ce n'est pas bien mon usage ;
Mais longtemps
lui faire hommage,
Ce n'est pas bien là mon jeu.
J'entre
bien en complaisance
Tant que dure une heure ou deux ;
Mais en
perdant sa présence
Adieu toute souvenance ;
Mais en perdant
sa présence
Adieu soudain tous mes feux.
Plus inconstant
que la lune,
Je ne veux jamais d'arrêt ;
La blonde comme la
brune
En moins de rien m'importune ;
La blonde comme la
brune
En moins de rien me déplaît.
Si je feins un peu de
braise,
Alors que l'humeur m'en prend,
Qu'on me chasse, ou
qu'on me baise,
Qu'on soit facile ou mauvaise,
Qu'on me chasse,
ou qu'on me baise,
Tout m'est fort indifférent.
Mon usage
est si commode,
On le trouve si charmant,
Que qui ne suit ma
méthode
N'est pas bien homme à la mode,
Que qui ne suit ma
méthode
Passe pour un Allemand.
Pierre Corneille
(1606-1684)
Recueil : Poésies diverses.
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