Bien souvent je revois…
Bien
souvent je revois sous mes paupières closes,
La nuit, mon vieux
Moulins bâti de briques roses,
Les cours tout embaumés par la
fleur du tilleul,
Ce vieux pont de granit bâti par mon aïeul,
Nos
fontaines, les champs, les bois, les chères tombes,
Le ciel de
mon enfance où volent des colombes,
Les larges tapis d’herbe où
l’on m’a promené
Tout petit, la maison riante où je suis
né
Et les chemins touffus, creusés comme des gorges,
Qui
mènent si gaiement vers ma belle Font-Georges,
À qui mes
souvenirs les plus doux sont liés.
Et son sorbier, son haut salon
de peupliers,
Sa source au flot si froid par la mousse embellie
Où
je m’en allais boire avec ma sœur Zélie,
Je les revois ;
je vois les bons vieux vignerons
Et les abeilles d’or qui
volaient sur nos fronts,
Le verger plein d’oiseaux, de chansons,
de murmures,
Les pêchers de la vigne avec leurs pêches mûres,
Et
j’entends près de nous monter sur le coteau
Les joyeux
aboiements de mon chien Calisto !
Théodore de Banville, septembre 1841
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