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Jules De BRUYCKER (1870-1945) "Carnaval"_1922 Aquarelle, gouache, encre de Chine et crayon. (86 cm X 110 cm) |
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"carédar-638" |
Mille détails : Les attractions ont été installées sur la place du marché, la fête bat son plein. Un wagonnet entame une folle descente sur des rails tandis qu’à l’arrière-plan, des personnages dégringolent de la structure. L’un semble entouré d’une flaque de sang (ou est-ce sa cape ?), un autre donne l’impression d’avoir perdu son pantalon (à moins que ce dernier soit simplement de couleur chair !). Pleines d’humour, les compositions de Jules De Bruycker fourmillent de détails. Ainsi, un décor s’apparente à un monstre bleu évoquant les créatures fantasmées d’un Jérôme Bosch ou d’un Pieter Bruegel, que l’artiste affectionne particulièrement. Qui est cet étrange personnage au long nez, coiffé d’un haut-de-forme et semblable à une ombre, qui semble quitter la scène ? « Ce personnage ne prend pas part aux festivités. Il évoque ces marginaux, ces mendiants perdus dans les rues. Jules De Bruycker sait observer avec acuité ces misanthropes, qui ne trouvent pas leur place dans la société », répond Johan De Smet.
Derrière les masques : Ces géants, éléments caractéristiques des kermesses en Belgique, ne sont pas seulement des constructions ou des poupées animées. Très expressifs, ils témoignent aussi de l’individualité de ceux qui les animent et leur donnent vie. De même, en dessous de ces géants, le personnage noir, soufflant dans une trompette, n’est pas seulement une figure de carnaval : on voit à travers lui une personne, qui s’amuse, et dont on peut deviner des traits de personnalité. « Jules De Bruycker dessine les êtres avec une grande empathie. Si ses personnages masqués évoquent ceux de James Ensor, ils se distinguent de ces derniers par leurs particularités, qui font d’eux des individus à part entière », relève Johan De Smet. Derrière les masques, on les voit en effet bouger, s’amuser, ressentir. Et l’artiste de nous avertir avec délicatesse : si l’heure est aujourd’hui à la fête, celle-ci sera hélas éphémère. La mort s’invite dans le carrosse au centre de la composition. L’enfer se cache derrière les géants qui s’amusent encore, et semblent ignorer cette menace.
L’artiste se met en scène : Qui est cet être singulier mélancolique dans cette foule chaleureuse qu’il scrute à travers ses lunettes, un pinceau à la main ? L’artiste lui-même, qui s’est mis en scène dans sa composition, avec ironie. « Entouré de monstres, d’écorchés, de masques, de musiciens, de fanfares, il ne semble pas très à l’aise, et se moque de lui-même. D’ailleurs, même face à une critique élogieuse, Jules De Bruycker hésite sur sa propre qualité d’artiste », relève Johan De Smet. Ici, son teint presque gris contraste délicatement avec les traits colorés formés par les serpentins et les tâches représentant les confettis, qui mettent l’accent sur le talent de coloriste de cet artiste reconnu surtout pour ses eaux-fortes. Ces dernières constituent en effet la part la plus importante de la production de Jules De Bruycker : très prisées par des collectionneurs fidèles, elles lui assuraient des revenus réguliers. « Même si ses dessins se vendaient pourtant à des prix bien plus élevés ! », remarque Johan De Smet.
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Jules De BRUYCKER "Autoportrait 1932" |
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