mercredi 22 janvier 2025

Publié en 2009 et 2017

 U MATRIMONIU DI LELLENA

Nous sommes au tout début du précédent siècle dans le plus beau village du Haut-Nebbiu. Elena, dite Lellena, belle et sage jeune fille, vit depuis l’âge de 10 ans, confiée par sa mère, dans la famille de mon arrière-grand-père. Tous l’aiment et Ghjuvanninu va l’épouser. Tout est prêt pour la noce, la couturière a cousu le dernier bouton à la robe de fine laine filetée d’argent, cadeau de l’aïeul Matteù, rien ne manque pour les fournées de canistrelli et les frittelle di pomi : la farine de froment moulue à l’Attulinu, l’huile de Rapalel’acquavita et les citrons de la plaine. Rien ne manque, sauf... un document indispensable : l’extrait de naissance de la mariée. Tous les matins, depuis plusieurs jours, Ghjuvanninu se rend chez le Maire. Au début, tout se passe bien, le ton est courtois de part et d’autre, le papier sera là demain ou après-demain, ou la semaine prochaine... et puis ça se gâte un peu et pour finir, ça s’envenime tout à fait. On en vient à penser que... le Maire n’est pas du même parti que la famille adoptive de Lellena et que, justement, Ghjuvaninu n’a pas voté pour lui... tant et si bien que le Maire et le fiancé en viennent finalement aux mains. On accourt, on les sépare et Ghjuvanninu de dire à Lellena affolée: "Je vais me compromettre, si vous m’aimez, fuyons!" Que vouliez-vous qu’elle fît ? Le cœur un peu gros tout de même, en pensant à sa belle robe, aux arcs de buis, dressés par les jeunes gens en l’honneur de sa vertu... Ils s’enfuirent donc, le soir même. (J’ai oublié de vous dire qu’il avait de beaux yeux bleus). On les maria peu après et la robe blanche fit des années de Dimanche à San Vitu...
(suite et fin)
Remontons encore plus avant, jusqu'à la deuxième moitié du XIXe siècle, toujours dans le même village. C'est le matin du mariage, parentes et amies ont travaillé jusqu'à tard dans la nuit, il y a d'énormes panières de beignets poudrés de sucre, bien assez pour en offrir à tous les villageois selon l'usage.
On commençait d'habiller la fiancée quand on vint avertir, je ne sais si c'était l'envoyé de la mairie ou du curé, qu'un certain document attendu n'était pas arrivé, on devait donc surseoir à la cérémonie. Je vous laisse à penser la consternation ! Les esprits calmés, on prit l'avis des anciens qui, fort sagement, décidèrent d'attendre, voir venir et ranger les frittelle. Heureusement le fameux "papier" finit par arriver quelques jours plus tard, la noce eut enfin lieu. Les beignets étaient un peu durs mais l’époque l'était encore plus... Il fallut bien pour les faire passer plusieurs dames-jeannes de vin du Pettale d'Ortale et aussi quelques infusions de fenouil et de camomille pour les plus délicates..
(
Suzy)

4 commentaires:

  1. Première lecture pour moi ,Rutali à sa conteuse et quel talent !

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  2. Cela fait toujours plaisir de connaître l’histoire du mariage de mes grands-parents,merci a Suzy .jbg

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  3. 21:29 C’est votre grand - mère qui m’a appris l’histoire mouvementée de son mariage .Elle venait souvent nous visiter .

    La maison di U Valdu ,où elle avait vécu presque 10 ans ,était un peu la sienne .
    Elle connaissait la prière de l’Ochju et la signification des rêves …
    Dans son tablier ,souvent ,pour moi , une pomme reinette brutta è bona de son jardin di È Chjose .
    Aujourd’hui encore ,mes pommes préférées .Y.

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