dimanche 12 octobre 2025

La fille au Roi Louis


La fille au roi Louis 1. Le roi Louis est sur son pont, Tenant sa fille en son giron; Elle se voudrait bien marier Au beau Déon, franc chevalier. 2. « Ma fille, n'aimez jamais Déon, Car c'est un chevalier félon; C'est le plus pauvre chevalier Qui n'a pas vaillant six deniers. 3. — J'aime Déon, je l'aimerais, J'aime Déon pour sa beauté. Plus que ma mère et mes parents, Et vous, mon père, qui m'aimez tant. 4. — Ma fille, il faut changer d'amour, Ou vous entrerez dans la tour. — J'aime mieux rester dans la tour, Mon père, que de changer d'amour. 5. — Et vite, où sont mes estafiers, Mes geôliers, mes guichetiers, Qu'on mette ma fille en la tour : Elle n'y verra jamais le jour. » 6. Elle y fut bien sept ans passés Sans que personne la put trouver. Au bout de la septième année, Son père vint la visiter : 7. « Bonjour, ma fille, comment vous va ? — Hélas, mon père, il va bien mal : J'ai un côté mangé des vers, Et les deux pieds pourris ès fers. 8. Mon père, avez-vous de l'argent, Cinq à six sous tant seulement ? C'est pour donner au geôlier, Qu'il me desserre un peu les pieds. 9. — Oui-da, ma fille, nous en avons, Et des mille et des millions: Nous en avons à vous donner, Si vos amours voulez changer. 10. — Avant que changer mes amours, J'aime mieux mourir dans la tour. — Eh bien ma fille, vous y mourrez, De guérison point vous n'aurez. » 11. Le beau Déon, passant par là, Un mot de lettre lui jeta: Il y avait dessus écrit : « Belle, ne le mettez en oubli; 12. Faites-vous morte ensevelir, Que l'on vous porte à Saint-Denis; En terre, laissez-vous porter, Point enterrer ne vous lairrai. » 13. La belle n'y a pas manqué, Dans le moment a trépassé; Elle s'est laissée ensevelir, On l'a portée à Saint-Denis. 14. Le roi va derrière en pleurant, Les prêtres vont devant en chantant : Quatres-vingts prêtres, trente abbés, Autant d'évêques couronnés. 15. Le beau Déon passant par là : « Arrêtez, prêtres, halte-là ! C'est m'amie que vous emportez, Ah ! laissez-moi la regarder ! » 16. Il tira son couteau d'or fin Et décousit le drap de lin : En l'embrassant, fit un soupir, La belle lui fit un souris : 17. « Ah ! voyez quelle trahison De ma fille et du beau Déon ! Il les faut pourtant marier, Et qu'il n'en soit jamais parlé. 18. Sonnez, trompettes et violons, Ma fille aura le beau Déon. Fillette qu'a envie d'aimer, Père ne l'en peut empêcher ! »

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