La
corde
Pourquoi
renouer l’amourette ? C’est-y bien la peine d’aimer ?
Le câble est cassé, fillette. C’est-y toi qu’as trop tiré ?
C’est-y
moi ? C’est-y un autre ? C’est-y l’bon Dieu des
chrétiens ? Il est cassé ; C’est la faute à personne,
on le sait bien.
Y
a trop d’amoureux sur terre, à tirer sur l’même péché.
C’est-y la faute à l’amour si sa corde est si usée ?
Pourquoi
renouer l’amourette ? C’est-y bien la peine d’aimer ?
Le câble est cassé fillette, et c’est toi qu’as trop tiré.
Paul Fort
Le
bercement du monde.
Du
coteau, qu’illumine l’or tremblant des genêts, j’ai vu
jusqu’au lointain le bercement du monde, j’ai vu ce peu de terre
infiniment rythmée me donner le vertige des distances profondes .
Là
se creuse un vallon, sous des prés en damier, que blesse en un repli
la flèche d’un clocher ; ici, des roches rouges aux arêtes
brillantes se gonflent d’argent pur où croule une eau fumante.
Et
je voyais des terres et des terres plus loin , en marche vers le ciel
et qui semblaient plus pures ; l’une où tremblait le fard
gris-perle des lointains ; les autres, au bord du ciel, étaient
déjà d’azur.
Je
restai jusqu’au soir à contempler cette œuvre, à suivre
l’ondulation de cette mer, et je sentais très doucement faiblir
mon cœur au bercement sans fin des vagues de la terre.
Je
me tenais debout entre les genêts d’or, dans le soir où Dieu
jette un grand cri de lumière , et je levais tremblant la palme de
mon corps vers cette grande Voix qui rythme l’Univers .
Paul Fort
¤ ¤ ¤ ¤ ¤ ¤ ¤
À une passante
La rue assourdissante autour de moi hurlait.
Longue, mince, en grand deuil, douleur majestueuse,
Une femme passa, d’une main fastueuse
Soulevant, balançant le feston et l’ourlet ;
Agile et noble, avec sa jambe de statue.
Moi, je buvais, crispé comme un extravagant,
Dans son œil, ciel livide où germe l’ouragan,
La douceur qui fascine et le plaisir qui tue.
Un éclair… puis la nuit ! – Fugitive beauté
Dont le regard m’a fait soudainement renaître,
Ne te verrai-je plus que dans l’éternité ?
Ailleurs, bien loin d’ici ! trop tard ! jamais peut-être !
Car j’ignore où tu fuis, tu ne sais où je vais,
Ô toi que j’eusse aimée, ô toi qui le savais !
Charles Baudelaire
(Un des plus beaux poèmes sur l'amour qu'on a laissé passer... Limpia)
La rue assourdissante autour de moi hurlait.
Longue, mince, en grand deuil, douleur majestueuse,
Une femme passa, d’une main fastueuse
Soulevant, balançant le feston et l’ourlet ;
Agile et noble, avec sa jambe de statue.
Moi, je buvais, crispé comme un extravagant,
Dans son œil, ciel livide où germe l’ouragan,
La douceur qui fascine et le plaisir qui tue.
Un éclair… puis la nuit ! – Fugitive beauté
Dont le regard m’a fait soudainement renaître,
Ne te verrai-je plus que dans l’éternité ?
Ailleurs, bien loin d’ici ! trop tard ! jamais peut-être !
Car j’ignore où tu fuis, tu ne sais où je vais,
Ô toi que j’eusse aimée, ô toi qui le savais !
Charles Baudelaire
(Un des plus beaux poèmes sur l'amour qu'on a laissé passer... Limpia)
C' est sur Limpia : magnifique !!! Et merci pour tout chère Battine.ad.
RépondreSupprimerMerci Limpia pour ce beau poème que je ne connaissais pas.
RépondreSupprimerJ'ai oublié de signer,les ans en sont-ils la cause ? Battine.
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