Diverses
haltes rafraîchissantes à Rutali et Rapale, où il avait des
connaissances l'ayant quelque peu retardé, il pressa son âne et
arriva juste à temps pour partager le repas des hôtes.
L'abondance
des tagliarini dans la soupe de fèves au brocciu,
parfumée de menthe, lui fit espérer d'autres joies à venir de la
même table. Le lendemain, il eut à midi, une omelette et des fèves
au lard et le soir la soupe de fèves au riz. Mardi, au déjeuner:
tianu de fèves et pommes de terre au jambon, la soupe de
fèves et blettes sauvages, relevée au suffrittu, fut servie
sur de larges tranches de pain villageois.
L'arrangiatu
du mercredi : févettes, petits pois, oignons nouveaux, bulagne,
fut si réussi qu'on refit le même le jeudi, agrémenté
d'artichauts nains. La soupe garda les fèves, l'oignon et la menthe
fraîche et changea avec du chou vert et des pâtes de Bastia.
C'était
l'année des fèves, de longtemps on ne revit la pareille. Elles
avaient tant donné dans tous les jardins que c'eût été péché de
gaspiller ce don du ciel, aussi, la morue du vendredi, frite à
l'huile d'olive avec ail et vinaigre, fut accompagnée de fèves
tièdes en salade. La maîtresse de maison faisait preuve d'une belle
imagination malgré l'omniprésence des fèves. Elle projetait pour
son menu du dimanche de l'agneau rôti arrosé d'huile parfumée
d'herbes et de citron, précédé de la fressure sautée au vin ainsi
qu'un nouveau potage aux fèves qu'elle devrait maintenant éplucher,
tellement elles avaient profité, quand Peppu, qui avait mis les
bouchée doubles ... dans son travail, vint dire que tout étant
terminé, il partirait à l'aube le lendemain. Tant pis pour lui !
L'agneau, fondant à souhait, fut délectable. Rassasié de fèves,
Peppu leur préféra désormais stufatu, lasagne et
autres pâtes fraîches au brocciu. Il en mangea même
tellement que, dit-on, il en mourut d'indigestion, beaucoup plus
tard, rassurez-vous.
Depuis
ce temps et de nos jours encore, quand la nourriture est
surabondante, on dit chez nous : "Stirpemu e fave di
Santu Petru" (il faut venir à bout des fèves de Santu
Petru).
Précisons
toutefois après toutes ces papilionacées (subdivision des
légumineuses) que le brocciu et les fromages de Santu Petru
étant très renommés, Peppu sut certainement les apprécier.
Le
fromage de chèvre frais et le févettes à la croque au sel font un
délicieux spuntinu. Les bergers qui se rendaient autrefois à
Bastia (2) pour la vente de leurs produits, attiraient la clientèle
en criant : « Furmagliu è brò di Santu Petru o dò ! » (3) (Suzy
Finocchy-Rutali)
(1)
Eugène Mannoni: "L'Insulaire"
(Éditions De Fallois. 1991)
(2)
"Cunniscenza di u Nebbiu"
- page 79 - Louis Giacomoni (Éditions Graziani. 1987)
(3)
et s’adressant aux femmes : o dò prononcé [o’o]
Quels festins !, j’ai pris deux kilos rien qu’en lisant ces savoureuses évocations de la fête des papilles qu’étaient les repas de nos anciens. Pour les chronophage de ma génération, sachons que, riche de qualités nutritionnelles, la fève a un fort pouvoir de satiété : Croquez-en si vous avez un petit creux et vous tiendrez facilement jusqu’au prochain repas. Ne laissez pas passer la saison (avril à juillet). SSR
RépondreSupprimerCe récit montre tout le savoir-faire des femmes corses pour la cuisine.
RépondreSupprimerIl faut féliciter également Suzy pour ce récit qui a une belle valeur littéraire.
Louis
Délicieux! Absolument délicieux! (le récit ) .Ce petit chef d'oeuvre d'humour et de poésie m' a rappelé
RépondreSupprimerle savoureux conte de Mistral sur " le tian "( "Nouvelle prose d'almanach" -1870) ,
qui avait enchanté mes jeunes années .
Bravo! Encore bravo! Et continuez !