vendredi 25 août 2017

MUSÉE du "carédar"... [Borgeaud-Intérieur aux deux verres_1923]

Marius Borgeaud
"Intérieur aux deux verres"_1923
Huile sur toile. (97 cm X 130 cm)
Musée cantonal des Beaux-Arts, Lausanne.
"carédar-258"
Chez Borgeaud, les intérieurs sont baignés d’une lumière qui réchauffe et semble suspendre le temps. Les objets sont immédiatement identifiables et bien présents, et ce n’est que dans un second temps que l’on remarque leur simplicité : des surfaces, des lignes, des accords sans autre détail que l’ombre qui leur confère un peu de volume. Rien n’est dissimulé, pourtant tout un ballet d’ombres se met en place. Si on comprend immédiatement que l’éclairage de cet "Intérieur aux deux verres" provient de la fenêtre, la cohérence d’une unique source lumineuse n’est pas respectée strictement. Le peintre dispose les ombres projetées des pieds de la table et des chaises, des verres et du vase comme des aiguilles sur un cadran.
Ce tableau a été réalisé en 1923, durant l’avant-dernier été passé par Borgeaud à Audierne, sur la côte bretonne. L’été suivant sera interrompu par la maladie qui va l’emporter. La fenêtre s’ouvre sur un horizon marin qu’on retrouve dans quelques tableaux de la fin de sa vie. La mer n’a pas souvent été un motif pour Borgeaud. Sa Bretagne est un pays de l’intérieur des terres. L’exception ici renforce le contraste et la richesse du dialogue entre le dedans et le dehors.
Autre élément caractéristique des dernières œuvres : le vide "habité" de la pièce. Les hôtes des lieux ne sont pas loin. Sur la table, deux verres vides témoignent qu’ils ont été bus. Malicieusement, la bouteille qui les a remplis est cachée derrière un bouquet. Le maître reviendra-t-il pour prendre le chapeau oublié ? On ne le saura pas. Il semble que cet intervalle pourrait durer l’éternité, insufflant par cette interrogation, par ce suspens, une vie supplémentaire au tableau.


Marius BORGEAUD (1861 - 1924) est un peintre suisse.
Georges Peillex propose sur l’œuvre de Borgeaud l’analyse suivante : "Le luminisme, sans aucun doute, est à la base de son esthétique. L’artiste est acquis à l’importance fondamentale de la lumière depuis longtemps et c’est en fonction d’elle que tout d’abord il s’intéresse à l’analyse de la couleur à la façon des impressionnistes, mais par la suite, lorsqu’il trouve sa propre manière d’interpréter le rôle des éclairages, il prendra le contre-pied de la technique d’un Pissarro. Il substitue à la lumière diffuse qui éclairait tout le tableau, un rayon de lumière projeté dans une certaine direction qui se glisse en larges surfaces et crée par opposition à lui-même des ombres opaques. Il atteint alors progressivement à de forts contrastes en même temps qu’il nettoie son tableau de tous les détails qui ne sont pas absolument indispensables. […] Les différentes intensités d’éclairage qui inspirent sa palette créent les plans successifs et commandent l’organisation de son tableau. Elles imposent aussi la pureté de la couleur, cette palette propre dont les effets se suffisent d’une simple confrontation de taches qui jouent entre elles et donnent au tableau une partie de son caractère. Les rouge, bleu, orange, ocre et brun alliés au noir dont il fait un grand usage, au gris et au blanc d’un large tablier, ce sont ses couleurs favorites ; elles suffisent à rendre un climat précis, la fraîcheur ambiante opposée à la chaleur estivale de l’extérieur et une certaine qualité de silence […]. La rusticité, la naïveté relative exprimée par ses toiles ne sont pas de son fait mais bien uniquement le trait dominant d’un milieu social : tel qu’il a voulu le faire comprendre, et à tout bien considérer, que l’on ait pu confondre l’homme et son œuvre dit mieux que tous les éloges à quelle exactitude d’expression l’artiste était parvenu. Il était difficile de faire plus vrai."
Marius Borgeaud a dit : "Mon œuvre connaîtra le succès mais je ne le verrai pas."

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