jeudi 22 avril 2021

La "poésie" du jeudi...

 Renaissance

Je n'avais que dix-sept ans,
Mourir sans faire l'amour
Me paraissait bien triste.
Faut-il toucher la mort
Pour connaître la vie ?
Nous avons tous des corps
Fragiles, inassouvis.

Fin de soirée,
Les vagues glissent
Sur le métal du casino
Et le ciel vire à l'indigo,
Ta robe est très haut sur tes cuisses.

Camélia blanc dans une tresse
Des cheveux lourds et torsadés,
Ton corps frémit sous les caresses
Et la lune est apprivoisée.

Michel Houellebecq

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Depuis combien d'années sont-elles là, immobiles,
Ces vieilles pierres moussues sous les halliers hostiles
Le long des chemins creux, témoins d'un autre temps
Sentinelles figées, ne gardant que du vent.

César PANTANACCE

Mi sò pruvatu à mettela in corsu sta bella quartina. Bravu, amicu ! Sè tù n’ai altre cusì, ùn aspetta micca ch’elle si coprinu di murzu per alzà u muru toiu di u tempiu "Puesia".

Dipoi quant’anni elle sò quì, stantarate
Ste vechje petre murzose, sott’à e lamaghje armate
Longu à chjassi inghjergalati, testimoni d’un tempu spentu
Sintinelle impernate, tenendu solu u ventu.

Jbg

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Lits d'amour

Les grands lits des grandes amours
Les grands lits qui tournent au monde
Ont toute la mer alentour
Et tout le ciel qui les inonde

Eh, ohé, Simone et Fabrice
À bord ! Mais laissez les adieux
Les sables, les jours et les lieux
Pour la barque aux fauves délices

Entends germer ces vents torrides
Fabrice et toi, Simone, entends
Ce balancement dans le vide
Où s'enfonce la nuit des temps

Gémissez, beaux dieux, beaux esclaves
Comme gémit autour de vous
Cet océan d'algues et de lave
Qui vous remonte jusqu'au cou

Printemps, éclairs, soleils tigrés
Bourgeons et lèvres transitoires
Tout vient battre ces lits sacrés
Avec l'humide préhistoire

Mes îles de métaux qui fondent
Grands lits, navigateurs voguant
À la lisière du néant
Les lits d'amour sont seuls au monde
Les lits d'amour sont seuls au monde

NORGE
(Ce texte est chanté par Jeanne Moreau)

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Bien souvent je revois…

Bien souvent je revois sous mes paupières closes,
La nuit, mon vieux Moulins bâti de briques roses,
Les cours tout embaumés par la fleur du tilleul,
Ce vieux pont de granit bâti par mon aïeul,
Nos fontaines, les champs, les bois, les chères tombes,
Le ciel de mon enfance où volent des colombes,
Les larges tapis d’herbe où l’on m’a promené
Tout petit, la maison riante où je suis né
Et les chemins touffus, creusés comme des gorges,
Qui mènent si gaiement vers ma belle Font-Georges,
À qui mes souvenirs les plus doux sont liés.
Et son sorbier, son haut salon de peupliers,
Sa source au flot si froid par la mousse embellie
Où je m’en allais boire avec ma sœur Zélie,
Je les revois ; je vois les bons vieux vignerons
Et les abeilles d’or qui volaient sur nos fronts,
Le verger plein d’oiseaux, de chansons, de murmures,
Les pêchers de la vigne avec leurs pêches mûres,
Et j’entends près de nous monter sur le coteau
Les joyeux aboiements de mon chien Calisto !

Théodore de Banville, septembre 1841

3 commentaires:

  1. Ça alors, JBG a traduit, et avec quel talent, en langue corse des vers écrits en français !

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  2. Bravo aussi à César pour ce quatrain très réussi!

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  3. Quel voyage en enfance sur la terre natale,
    tant d'odeurs tant de bruits et de couleurs aussi,
    Merci de ce poème aux accents surannés
    Qui nous va droit au coeur où que nous soyons nés.
    SSR

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