Les yeux
À Francisque Gerbault.
Bleus ou noirs, tous aimés, tous
beaux,
Des yeux sans nombre ont vu l'aurore ;
Ils dorment au
fond des tombeaux,
Et le soleil se lève encore.
Les nuits,
plus douces que les jours,
Ont enchanté des yeux sans nombre
;
Les étoiles brillent toujours,
Et les yeux se sont remplis
d'ombre.
Oh ! qu'ils aient perdu leur regard,
Non, non,
cela n'est pas possible !
Ils se sont tournés quelque part
Vers
ce qu'on nomme l'invisible ;
Et comme les astres
penchants
Nous quittent, mais au ciel demeurent,
Les prunelles
ont leurs couchants,
Mais il n'est pas vrai qu'elles
meurent.
Bleus ou noirs, tous aimés, tous beaux,
Ouverts à
quelque immense aurore,
De l'autre côté des tombeaux
Les yeux
qu'on ferme voient encore.
René-François Sully Prudhomme
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